Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/173

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héros n’égalera Cârtavirya (le fils de Critavîrya) pour la magnificence des sacrifices, pour sa générosité, sa pénitence, sa force et son instruction. Ceint du cimeterre, couvert de la cuirasse, armé de son arc, porté sur son char, il parcourt les sept dwîpas, et apparaît aux yeux des mortels, recommandé par sa piété. Tout prospère ; il n’est plus ni trouble ni chagrin dans le monde : la puissance et la justice du grand roi protègent ses sujets. Dans son trésor il a rassemblé toutes les pierres précieuses ; maître universel, il a les rois pour vassaux[1]. Depuis cinquante mille ans, ce prince apparaît comme un génie qui veille sur les bestiaux et la campagne[2], ou comme le nuage qui répand la pluie, et tel est l’heureux fruit de sa dévotion (yoqa). Avec ses mille bras armés de l’arc formidable, il brille comme le soleil d’automne resplendissant de mille rayons. Vainqueur des fils de Carcotaca, des Nâgas[3], habitant sur la terre, il est venu orner de sa présence la ville de Mâhichmatî. Ses yeux ressemblent aux fleurs du lotus ; et dans la saison des pluies, de ses bras il fend, comme en se jouant, les vagues de cette mer qui couvre la plaine, et les fait reculer devant lui. La Narmadâ[4], troublée par ses jeux, se couronne d’écume, et roule ses flots nombreux, agités et tremblants. L’Océan lui-même est ému par le balancement de ses bras, et la terreur va glacer les grands Asouras jusqu’au fond du Pâtâla[5]. Les flots sont réduits en poussière humide, les monstres marins tremblent dans leurs retraites : on dirait une tempête soulevant, du fond des abîmes, les ondes écumeuses, et excitée par le souffle du dieu des


    dharva ou musicien céleste. Ce Mouni passe pour avoir inventé la vînâ, qui est le luth indien. Ce luth est composé d’une longue tablette sur laquelle sont tendues les cordes, ordinairement au nombre de sept (on dit même de cent}, et dont les deux extrémités portent deux calebasses qui donnent le sont.

  1. Ces idées sont exprimées par les mots सम्राट् et चक्रवर्त्तिन् samrât et tchacravarttin. Le Samrât est un prince suzerain, qui a célébré le sacrifice nommé râdjasouya. Le Tchacravarttin est le souverain qui règne sur un tchacra, contrée s’étendant d’une mer à l’autre, ou pour mieux dire, qui règne sur le globe : car tchacra signifie cercle.
  2. J’ai traduit ainsi les mots पश्रुपालः et क्षेत्रपालः.
  3. Voyez la iiie lecture, note 48. Ce passage indique bien une race humaine, et non une famille de demi-dieux.
  4. La Narmadâ, aujourd’hui le Nerbudda, est une rivière qui sort du mont Vindhya, coule à l’ouest et se jette dans le golfe de Cambaye. Il paraît qu’elle coulait dans les états des princes de Mâhichmatî. C’était une des rivières regardées comme sacrées par les Indiens.
  5. Régions inférieures, séjour ordinaire des serpents, que l’on confond avec les Asouras ou les ennemis des Dévas. C’est là que règne Bali, en attendant qu’il devienne Indra dans le ciel.