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mêmes. Ne trouvant aucun protecteur, elle s’approche enfin de lui. Elle, que les trois mondes doivent révérer, elle est devant lui dans une attitude respectueuse. Elle lui dit : « Non, tu ne voudras point te déshonorer par la mort d’une femme… Et cependant, sans moi, comment pourrais-tu faire vivre les mortels ? C’est moi qui soutiens tous les hommes, de moi dépend la vie du monde. Ô roi, avec moi mourraient tous les êtres. Si tu veux le bien de tes sujets, tu ne dois pas vouloir ma mort. Ô toi, qui es mon protecteur, daigne écouter ma voix. On prépare par la réflexion le succès d’un projet. Réfléchis donc aux moyens d’assurer la subsistance des mortels. Ce n’est pas en me détruisant, ô roi, que tu peux remplir ce dessein. On a dit qu’il faut respecter la vie des femmes : ce n’est point à l’égard d’un être d’une condition inférieure[1], ô prince, que tu peux oublier les règles du devoir. » Le sage monarque, en entendant ces discours, sentit fléchir son courroux : et lui, que l’amour du devoir animait, il répondit à la Terre.


SIXIÈME LECTURE.

HISTOIRE DE PRITHOU : LA TERRE NOURRICE DE TOUS LES ÊTRES.

Prithou dit :

Celui qui pour l’intérêt d’une seule personne, de lui-même ou d’un autre, donne la mort à plusieurs êtres animés, ou même à un seul, commet un péché. Mais quand cette mort a pour motif l’intérêt du grand nombre, alors, ô ma chère, il n’y a point de faute, il n’y en a pas même l’apparence. Mais surtout, si la mort d’un méchant doit faire le bonheur de la multitude, c’est dans cette circonstance que l’homicide est une action pieuse.

  1. On voit dans le Bhagavad-gîtâ, lect. ix et ailleurs, comment les hommes sont récompensés, après cette vie, suivant leurs œuvres, en montant ou en descendant dans l’échelle des êtres. Ceux d’une caste inférieure peuvent espérer, après avoir rempli les devoirs de leur condition, de passer dans une caste plus relevée. L’état de la femme est regardé comme une dégradation, ce qu’indique le mot तिर्प्यग्योनिः employé dans ce passage, et qui traduit littéralement, signifie un être qui est entré dans une matrice rétrograde.