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Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/118

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longtemps dans le sol ». L’épopée carolingienne dérive de l’épopée mérovingienne, et, en particulier, des légendes gallo-franques, perdues, dont Dagobert était le Charlemagne. Faron, évêque de Meaux, apparaît comme le Turpin de Clotaire II. La Vie de saint Kilian dit expressément que sur la guerre de Dagobert, fils de Clotaire II, contre les Saxons, on fit des chansons en langue romane rustique ; et certains traits de ces chansons se sont conservés dans des poèmes bien postérieurs, relatifs aux entreprises de Charlemagne en Saxe. Une équipée de la jeunesse de Dagobert (qui insulta, en lui coupant la barbe, son précepteur Sadrégisile) fut relatée dans un poème dont l’écho s’est répercuté jusque dans la chanson de Floovent, composée an XIIe siècle. — « La quatorzième année du règne de Dagobert, dit Frédégaire, les Vascons se révoltèrent ; le roi mit en campagne une armée sous le commandement d’un référendaire et de onze ducs. L’expédition aurait été heureuse si le duc Haribert ne se fût laissé surprendre et accabler avec les siens, au retour, dans la vallée de la Soule…. » Il est très probable que ce désastre du Val de Soûle a fourni la matière d’une cantilène, prototype de celle qui fut consacrée, après 778, aux douze pairs de Roncevaux. — Enfin, le continuateur de Frédégaire signale, à l’année 642, les Mayençais comme ayant causé, par leur traîtrise, la défaite du roi Sigebert aux bords de l’Unstrut ; d’où la geste de Mayence, la geste des traîtres, est, sans doute, sortie plus tard. — Roland et Ganelon, Haribert et les Mayençais de l’Unstrut, le parallèle est facile ; il a été fait plus d’une fois. « Avant Charlemagne, bien d’autres ont vécu et ont été célébrés qui perdirent leur splendeur poétique quand l’empereur et son entourage furent devenus le centre de tous les souvenirs héroïques et nationaux. » Charlemagne a hérité de Charles Martel, qui avait hérité de Dagobert, qui avait hérité de Clovis, qui avait hérité de bien d’autres. — Voilà les origines les plus lointaines de l’épopée française ; la tige, sinon les racines, de cette belle fleur épanouie, la Chanson de Roland, où se résume l’effort épique accumulé de dix générations, germaniques et romanes.

CH.-V. LANGLOIS, dans le Journal des Débats, 5 mai 1893.