les églises, auxquelles ils apportaient en retour des avantages spirituels et temporels. Aujourd’hui on préfère des étrangers, des inconnus, qui ne résident même pas, aux gens du pays. Et c’est au nom de ces étrangers que les biens des églises sont emportés hors du royaume, sans qu’on songe à la volonté des fondateurs, d’où ne résultent pour l’Église romaine que la haine et le scandale. »
Le Mémoire du mois de juin 1247 (dont l’authenticité n’est pas douteuse)
démontre amplement que les abus condamnés par la fausse Pragmatique
florissaient déjà au XIIIe siècle. Toutefois la différence est grande
entre la Pragmatique et le Mémoire : celui-ci, quoiqu’il soit rédigé avec
fermeté, n’est après tout qu’une requête ; il se termine par des
protestations d’attachement et de condoléance : « Le roi compatit fort aux
embarras du pape ; mais, quelle que soit son affection, il doit
travailler de tout son pouvoir à conserver intacts le bon état, les
libertés et les coutumes du royaume que Dieu lui a confié » ; la
Pragmatique, au contraire, se présente comme une ordonnance royale pour
la réformation de l’Église, faite sans l’approbation de l’Église. Le
Mémoire demande l’atténuation, plutôt que la suppression, des maux qu’il
dénonce ; la Pragmatique proclame des principes de droit public. Enfin,
si Louis IX avait osé prendre des mesures aussi radicales que celles de
la Pragmatique, elles auraient eu, sans doute, quelque efficacité ; pour
le Mémoire, « il produisit, dit Mathieu de Paris, une vive impression,
mais l’émotion qu’il causa est restée, jusqu’à présent, sans résultat ».
« Nous ne savons pas, dit le dernier historien d’Innocent IV, si les levées de subsides pour l’Église romaine ont été continuées en France après 1247. Quant aux provisions, le pape, après les avoir pratiquées avec quelque excès jusqu’en 1247, en diminua le nombre pendant un certain temps, mais, à la fin du pontificat, les nominations de clercs étrangers, dont s’était plaint saint Louis, reparurent avec une nouvelle persistance[1]. » Sous les successeurs d’Innocent, la France et l’Europe furent sillonnées, plus que
- ↑ E. Berger, Saint Louis et Innocent IV, pp. 293, 297.