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Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/407

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hauts emplois dans le gouvernement de son pays. L’auteur, peut-être un héraut d’origine normande, a gardé l’anonyme, mais nous savons qu’il a composé son ouvrage d’après des sources très sûres, qu’il était contemporain des événements qu’il a racontés, et qu’il avait de la bonne foi et du bon sens. On jugera de son talent narratif par le petit chef-d’œuvre que M. P. Meyer a publié d’abord dans la Romania[1]. « C’est, dit l’éditeur, le récit des derniers moments de Henri II, de la scène du pillage qui eut lieu après sa mort, de ses funérailles, enfin des premiers actes de Richard roi. Toutes les parties de ce récit portent le cachet de la vérité ; on sent qu’on est en présence de témoignages de première main. D’ailleurs, le contrôle, là où il est possible, est constamment favorable au poème.

La mort de Henri II a été accompagnée des souffrances physiques et des douleurs morales les plus poignantes. Épuisé par une maladie cruelle, humilié dans son honneur de souverain, il lui était réservé d’apprendre dans les derniers jours de sa vie qu’il était trahi par celui qu’il aimait le mieux au monde, par Jean, le plus jeune de ses fils. Cette fin si triste a vivement frappé les contemporains : elle a été racontée par plusieurs historiens ; elle a même donné lieu à une légende qu’on peut lire parmi les frivoles récits du Ménestrel de Reims. Le compte rendu le plus détaillé et jusqu’ici le plus exact que nous en ayons est celui que Giraut de Barri a inséré dans son traité de l’instruction des princes. Dans l’ensemble, Giraut est d’accord avec le poème, mais chacun offre certains traits particuliers, et ces traits sont surtout nombreux dans le poème, dont la narration est de beaucoup la plus circonstanciée que nous ayons de cet événement. Ainsi nous voyons bien dans Giraut que le roi, jetant les yeux sur la liste des barons qui s’étaient ligués contre lui avec son fils Richard, fut consterné d’y voir le nom de Jean, son fils bien-aimé, mais le récit du poème est bien autrement précis et émouvant. Nous y voyons Henri, après avoir conclu un traité humiliant avec Philippe Auguste, faire demander à celui-ci la liste de

  1. [M. P. Meyer a publié depuis une édition complète du poème : L’Histoire de Guillaume le Maréchal, Paris, 1891-1894, 2 vol. in-8º. J’ai collationné les extraits qui suivent avec l’édition définitive].