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Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/415

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l’armée de Dieu et de la sainte Église ». Londres, toujours prête à s’allier aux ennemis de la royauté, leur ouvrit ses portes ; de là, ils invitèrent le reste de la noblesse à se joindre à eux. La plupart et surtout les jeunes gens répondirent à cet appel. « Les tribunaux de l’Échiquier et des shériffs vaquèrent dans tout le royaume, parce qu’on ne trouva personne qui voulût donner de l’argent au roi, ni en rien lui obéir. »

Réduit aux abois, Jean sans Terre demanda la paix, assurant « qu’il ne tiendrait pas à lui qu’elle ne fût rétablie », et il délivra des saufs-conduits à tous ceux qui voudraient venir conférer avec lui. En même temps, fait qui suffirait à lui seul, s’il y avait besoin de preuves, à prouver la duplicité de son caractère, il fit écrire au pape (29 mai) une lettre dans laquelle il exposait son différend avec les barons et où il déclarait que leur hostilité l’empêchait d’accomplir son vœu de Croisade. L’entrevue à laquelle il avait convié ceux qu’il dénonçait ainsi au chef spirituel de la chrétienté n’en eut pas moins lieu. On peut supposer que le roi était d’autant plus disposé à faire des concessions et à prêter des serments qu’il espérait davantage s’en faire bientôt relever. Il avait établi son camp entre Windsor et Stanes, dans un endroit où, semble-t-il, les Anglo-Saxons avaient, aux temps anciens, coutume de s’assembler pour délibérer sur les affaires de l’État, et qui, à cause de cela, portait le nom de « Prairie de la Conférence » (Runnymead). Le roi accueillit gracieusement les barons, accepta la pétition qu’ils lui apportaient l’épée au poing, y fit apposer son sceau et consentit enfin à jurer la Grande Charte qui fut revêtue à son tour du grand sceau de la royauté (15 juin).

Après avoir assisté aux origines de la Grande Charte, on se rend mieux compte de son caractère. Ce n’est pas une constitution nouvelle arrachée par les barons à la royauté ; ce sont les antiques libertés de la nation que le roi s’engage à respecter. Mais l’acte de 1215 est plus explicite qu’aucun de ceux qui l’ont précédé et préparé. La charte de Henri Ier compte 14 articles ; celle de Jean, 63. Henri l’avait accordée bénévolement au début de son règne, et il avait pu se contenter de promesses générales ; en 1215, au contraire, on voulait réparer les injus-