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Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/422

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Essayons maintenant de rejoindre dans les comtés les petits vassaux directs de la couronne, et recherchons ce qu’ils y deviennent. Les premières tendances qui s’accusent et le premier mouvement qui se dessine sont d’un caractère tout féodal. Les fiefs de chevaliers, inconnus au lendemain de la conquête, s’établissent rapidement. Ce sont des domaines déterminés auxquels la charge du service militaire est spécialement attachée au lieu de peser indistinctement sur les terres du manoir. De là, en Angleterre comme sur le continent, une distinction très nette entre deux natures de propriété : propriété noble et propriété ordinaire ; la première tenue à condition du service des armes, et soumise tant à la règle stricte de la primogéniture qu’à des droits d’aide, de garde et de mariage fort onéreux pour les détenteurs ; la seconde tenue « en libre socage » et affranchie des plus lourdes des obligations féodales. La tenure militaire a pour conséquence une première fusion entre les vassaux directs de la couronne et les vassaux des seigneurs ou arrière-vassaux qui occupent la terre à ce même titre. Mais elle semble de nature à séparer profondément les uns et les autres de la masse des propriétaires fonciers ordinaires, et à constituer les chevaliers en une classe à part, en une sorte d’ordre équestre hautain et fermé.

D’autres causes plus puissantes que l’esprit féodal ont écarté le péril. Premièrement, l’Angleterre du XIIe siècle était l’un des pays de l’Europe où il y avait le plus d’hommes libres, c’est-à-dire de propriétaires libres, à côté et en dehors de la chevalerie féodale. C’étaient, soit des Normands de condition inférieure qui avaient suivi ou rejoint leurs seigneurs, soit d’anciens propriétaires saxons qui, rentrés en grâce après un temps auprès des nouveaux maîtres du sol, avaient recouvré la liberté et une partie de leurs terres. Plusieurs documents du XIIe siècle nous montrent ces Saxons en excellents rapports avec les hommes libres et les barons normands, unis à eux par des mariages et de bonne heure s’élevant eux-mêmes au rang baronnial. La