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Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/461

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réconciliait avec ses ennemis. La fin de toutes choses semblait prochaine. Le jour de la Toussaint, les énergumènes vinrent de Modène à Reggio, puis ils marchèrent sur Parme. Celui qui ne se fouettait point était « réputé pire que le diable », on le montrait au doigt, on lui faisait violence. Ils se dirigèrent enfin sur Crémone. Mais le podestat de cette ville, Palavicini, refusa l’entrée des portes : il fit dresser des fourches le long du Pô à l’usage des flagellants qui essaieraient de passer ; aucun ne se présenta. Avec les Gaudentes, autre tableau. Ceux-ci ne se frappaient point, mais vivaient gaiement en confrérie. Ils avaient été inventés par Bartolomeo de Vicence, qui fut évêque. Petite confrérie, d’ailleurs. Ils mangent leurs richesses « cum hystrionibus », écrit Salimbene. Ils ne faisaient point l’aumône, ne contribuaient à aucune œuvre : monastères, hospices, ponts, églises. Ils enlevaient par rapine le plus qu’ils pouvaient. Une fois ruinés, ils avaient l’audace de demander au pape de leur assigner, pour y habiter, les plus riches couvents d’Italie.

Ces chrétiens aimables continuaient la tradition des clerici vagantes du XIIe siècle. Et même, à côté d’eux, certains Gaudentes isolés, les plus avisés sans doute, et les plus voluptueux de l’ordre, annoncent déjà les prélats peu édifiants du XVIe siècle romain…[1].

 *  *  *  *  *
  1. [M. Gebhart cite en cet endroit, à titre d’exemple, quelques strophes de la Confessio Goliæ, attribuée au chanoine Primat. (Sur Primat et sur les Goliards, voyez ci-dessus, p. 422 et s.) Nous imprimons ici ces strophes d’après la meilleure édition qui ait été publiée de cette très célèbre pièce. (Notices et extraits des manuscrits, XXIX, 2e partie, p. 266-270.) « Accusé, dit M. Gebhart, près de son évêque, de trois vices capitaux : la luxure, le jeu et le vin, l’auteur de la Confessio Goliæ se défend par une confession grotesque que notre chroniqueur (Salimbene) se plaît à rapporter tout entière. En voici quelques vers en l’honneur de l’ivrognerie » :

        Tertio capitulo memoro tabernam.
        Illam nullo tempore sprevi, neque spernam,
        Donec sanctos angelos venientes cernam,
        Cantantes pro mortuo requiem æternam.

        Poculis accenditur animi lucerna,
        Cor imbutum nectare volat ad superna ;
        Mihi sapit dulcius vinum de taberna
        Quam quod aquæ miscuit præsulis pincerna…

        Meum est propositum in taberna mori ;
        Vinum sit oppositum morientis ori,
        Ut dicant, cum venerint, angelorum chori :
        « Deus sit propitius tauto potatori ! »