Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/47

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quelque chose qui n’est ni le montanisme, ni le marcionisme, ni le gnosticisme, qui est le christianisme non sectaire, le christianisme de la majorité des évêques, résistant aux hérésies et les usant toutes, n’ayant, si l’on veut, que des caractères négatifs, mais préservé, par ces caractères négatifs, des aberrations piétistes et du dissolvant rationaliste. Le christianisme, comme tous les partis qui veulent vivre, se discipline lui-même, retranche ses propres excès…. Le juste milieu triomphe. L’aristocratie piétiste des sectes phrygiennes et l’aristocratie spéculative des gnostiques sont également déboutées de leurs prétentions….

Ce fut l’épiscopat qui, sans nulle intervention du pouvoir civil, sans nul appui des gendarmes ni des tribunaux, établit ainsi l’ordre au-dessus de la liberté dans une société fondée d’abord sur l’inspiration individuelle. Voilà pourquoi les ébionites de Syrie, qui n’ont pas l’épiscopat, n’ont pas non plus l’idée de la catholicité. Au premier coup d’œil, l’œuvre de Jésus n’était pas née viable ; c’était un chaos. Fondée sur une croyance à la fin du monde, que les années en s’écoulant devaient convaincre d’erreur, la congrégation galiléenne semblait ne pouvoir que se dissoudre dans l’anarchie…. L’inspiration individuelle crée, mais détruit tout de suite ce qu’elle a créé. Après la liberté, il faut la règle. L’œuvre de Jésus put être considérée comme sauvée le jour où il fut admis que l’Église a un pouvoir direct, un pouvoir représentant celui de Jésus. L’Église dès lors domine l’individu, le chasse au besoin de son sein. Bientôt l’Église, corps instable et changeant, se personnifie dans les anciens ; les pouvoirs de l’Église deviennent les pouvoirs d’un clergé dispensateur de toutes les grâces, intermédiaire entre Dieu et le fidèle. L’inspiration passe de l’individu à la communauté. L’Église est devenue tout dans le christianisme ; un pas de plus, l’évêque devient tout dans l’Église. L’obéissance à l’Église, puis à l’évêque, est envisagée comme le premier des devoirs ; l’innovation est la marque du faux ; le schisme sera désormais pour le chrétien le pire des crimes….

La correspondance entre les Églises fut de bonne heure une habitude. Les lettres circulaires des chefs des grandes Églises, lues le dimanche à la réunion des fidèles, étaient une continua-