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Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/491

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PLATONICIENS.


L’école dont les théories spécieuses avaient ébloui le grand évêque de Libye, le platonisme interprété par Alexandrie, règne sans partage sur les quelques penseurs dont s’illuminent de loin en loin les temps barbares. La pensée platonicienne inspire encore les philosophes des premiers siècles du moyen âge, période longtemps méconnue, où le progrès des études historiques constate avec quelque surprise une activité intellectuelle énergique et variée. C’est alors qu’Anselme posa le problème de la scolastique : « J’estime que, après avoir été confirmés dans la foi, nous serions coupables de ne pas chercher à comprendre ce que nous avons cru ». En vain Abélard objecta qu’il faudrait d’abord prouver la vérité des doctrines proposées à la créance ; le besoin d’une telle apologie était peu senti dans un siècle où la foi paraissait universelle, et la tentative de l’établir aurait eu peu de portée tandis que les objections n’avaient pas la liberté de se produire. Anselme joignit l’exemple au précepte dans ses démonstrations de l’existence de Dieu et dans sa théorie du salut par Jésus-Christ. Plus profondément qu’Augustin lui-même, il a fait entrer dans la conception générale du christianisme des éléments antipathiques à ce qui en constitue l’inspiration fondamentale, si du moins nous ne nous abusons pas en pensant que le christianisme a pour objet l’accomplissement de la destinée humaine par la réalisation du bien moral. Suivant une doctrine où des millions d’âmes ont trouvé la consolation et qui a profondément scandalisé des millions d’âmes, la justice divine exige des peines infinies pour une faute quelconque de ses fragiles créatures. La faute est une dette, la peine un prix, un règlement que notre créancier réclame ; mais, pourvu que le montant lui soit versé, que le quantum de douleur ait été subi, Dieu est payé, n’importe qui l’a soufferte. C’est pourquoi, dans sa charité, le Fils est venu souffrir à notre place. Pour le coup, ce n’est pas à Platon qu’il faut faire remonter cette conception de la justice, qui a si profondément troublé la conscience des peuples modernes, c’est aux lois des peuples barbares, en vigueur du temps d’Anselme, où la notion de la peine et celle de