dit-il bonnement, mais je ne sais pas où m’assoir. » — « Tiens, répond le sénéchal, en lui allongeant une buffe (soufflet ; cf. rebuffade) et en jouant sur le double sens du mot, assieds-toi sur ce buffet-là. » La fête commence, et le seigneur propose une robe d’écarlate comme récompense à celui qui dira ou fera la meilleure farce. Les ménestrels s’épuisent aussitôt en grimaces et en chansons. Mais le vilain s’approche, sa serviette à la main, et assène une formidable gifle sur la joue du sénéchal. Grand émoi. Le seigneur interroge le coupable :
Sire, fet cil, or m’entendez :
Orainz(a) quand je ceenz entrai
Vostre senechal encontrai
Qui est fel(b) et glous(c) et eschars(d).
Une grant buffe me dona
Et puis si me dist par abet(e)
Que seisse sor cel buffet
Et si dist qu’il me le prestoit…
Et quant j’ai beü et mangié,
Sire quens(f), qu’en feïsse gié
Se son buffet ne li rendisse ?
Et vez me ci tot apresté
D’un autre buffet rendre encore
Se cil ne li siet qu’il ot ore.
(a : Tout à l’heure ;) (b : méchant ;) (c : gourmand ;) (d : mauvais plaisant ;) (e : malice ;) (f : comte.)
On rit, et le gaillard emporta la robe d’écarlate. — Un vilain de même tempérament fit mieux encore : il gagna le paradis à la pointe d’une langue bien affilée. Saint Pierre refusait de l’admettre dans le céleste séjour, « car vilain ne vient en cest estre » :
— Plus vilains de vos n’i puet estre
Ça, dist l’ame, beau sire Pierre.
Toz jors fustes plus durs que pieres.
Fous fu, par sainte Paternostre,
Dieus quant de vos fist son apostre…
Saint Pierre, suffoqué de ce franc parler, s’en va chercher du