Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/59

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fisc et la guerre, il prêche l’humanité ; il recommande aux riches la bienfaisance, en des termes qui rappellent la charité chrétienne. Quelquefois il entre résolument dans la vie privée de ses amis ; par exemple, il ose demander à l’un d’eux de renoncer aux profits d’un héritage injuste. Quant à lui, il est partout occupé à faire du bien ; il vient en aide à ses amis malheureux, prend soin de leurs affaires, implore pour eux le secours des hommes puissants, marie leurs filles, et, après leur mort, redouble de soins en faveur des enfants qu’ils laissent sans protection et souvent sans fortune. Sa correspondance ne le fait pas seul connaître ; elle permet quelquefois de juger ceux avec lesquels il était en relation. Ses enfants forment des ménages unis, ses amis, pour la plupart, lui ressemblent, et lorsqu’on a fini de lire ses lettres, il semble qu’on vient de traverser une société d’honnêtes gens. Je sais bien qu’il est porté à juger avec un peu trop d’indulgence ; il prête volontiers aux autres ses qualités et n’aperçoit pas le mal qu’il ne serait pas capable de commettre ; mais, malgré ce défaut, il est impossible de ne pas tenir grand compte de son témoignage. L’impression qui reste de ce grand monde de Rome, tel qu’on l’entrevoit dans ses lettres, lui est, en somme, favorable et rappelle la société de Trajan et des Antonins telle que nous la montrent les lettres de Pline.

Voici encore un renseignement que nous devons à la correspondance de Symmaque, et qui contrarie un peu l’opinion que nous nous faisons de cette époque. Il nous semble que les gens de cette génération, qui fut la dernière de l’empire, devaient avoir quelque sentiment des périls qui les menaçaient, et qu’il est impossible qu’en prêtant un peu l’oreille on n’entendit pas les craquements de cette machine qui était si près de se détraquer. Les lettres de Symmaque nous montrent que nous nous trompons. Nous y voyons que les gens les plus distingués, les hommes d’État, les politiques, ne se doutaient guère que la fin approchât. A la veille de la catastrophe, tout allait comme à l’ordinaire, on achetait, on vendait, on réparait les monuments et l’on bâtissait des maisons pour l’éternité. Symmaque est un Romain des anciens temps, qui croit que l’empire est éternel et