Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/92

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l’hérétique a fait oublier le païen. Victorieuse une seconde fois, l’Église se souviendra-t-elle qu’il demeure des gentils et qu’elle a mission de continuer l’œuvre des apôtres ? Non, car elle a fait dans la lutte des pertes sensibles. Elle a perdu ces instruments de la sagesse antique qui avaient servi à élever l’édifice du dogme. L’édifice demeure isolé, morne, dans la nuit qui s’est faite sur le monde après que la civilisation ancienne s’est éteinte. Le prêtre ne cherche plus la libre adhésion des intelligences : il impose une doctrine réduite en formules dont il ne sait plus l’histoire, qu’il ne comprend plus et qu’il n’a point souci que l’on comprenne. En même temps que le vide s’est fait dans les intelligences, la conscience du chrétien a été alourdie de tout le poids des superstitions les plus grossières. Occupé à tant de petits devoirs, enchaîné par les liens d’une dévotion compliquée, il a fait assez quand il s’est occupé de lui-même et qu’il s’est mis en règle avec les prêtres et avec les saints.

E. LAVISSE, Études sur l’histoire d’Allemagne, dans la Revue des Deux Mondes, 15 mars 1886.


II. — LA DÉCADENCE MÉROVINGIENNE.


Un roi mérovingien, gouvernant la Gaule romaine, procédait à la fois du roi germanique et de l’empereur romain. Aussi est-il intéressant de rechercher quel est celui des deux personnages auquel il doit le plus. Cette recherche a produit la querelle des romanistes et des germanistes : les premiers tiennent pour la victoire de l’esprit romain, les seconds pour la victoire de l’esprit germanique, mais il faut prendre garde de simplifier ainsi les choses, car les choses ne sont jamais simples. Quand on a discerné, dans les documents ou les faits de l’histoire mérovingienne, tels ou tels éléments romains ou germaniques, on