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XXXII
INTRODUCTION

leurs navires, faire des échanges. Au besoin, ils seront même quelque peu pillards et pirates pour arriver plus vite à la fortune. Ils font du cabotage sur les côtes de la mer du Nord et de l’Océan. Ils auraient même poussé jusqu’en Afrique. Nous verrons que c’est ce goût du commerce qui dans une certaine mesure les poussera vers les côtes de l’Amérique.

À vrai dire, sous le commerçant, on retrouvera longtemps le guerrier de la horde. Dans son âme encore mal civilisée, la piraterie n’est pas une œuvre criminelle. C’est une forme de négoce où l’audace et le courage excusent le meurtre et le vol. Au fait, nous sommes au xe siècle, les nations européennes ne sont pas encore tellement plus policées. Augustin Thierry nous dépeint les Francs, quelque peu antérieurement, sous des traits qui ne sont pas beaucoup moins barbares.

Qu’on veuille se souvenir des contes de l’an 1000, la fin du monde et ce qui s’ensuivit : les persécutions contre les hérétiques, les révoltes d’un peuple qui avait attendu la délivrance des souffrances des temps dans un élan mystique, révoltes qui furent noyées dans des flots de sang.

Le commerçant normand exportait des fourrures, de l’ivoire, de l’huile de baleine, de la laine, de l’ambre et souvent des esclaves. Ces esclaves, ce sont souvent les prisonniers faits au cours des expéditions de guerre ou de piraterie, à l’occasion même, ce seront les propres compatriotes du marchand.

Ils importaient dans les régions du Nord, les belles étoffes d’Orient, les tissus des Flandres, les cuirs d’Espagne, les vins de France, et en général, les produits manufacturés. Les échanges se faisaient suivant un certain code. Au milieu d’opérations guerrières ou de piraterie, une trêve se déclarait par signal convenu. Un bouclier tourné sur son côté blanc[1],

  1. La couleur du bouclier a souvent été discutée. Nous trouverons le terme bouclier blanc dans les Sagas du Vinland. Il est peu probable que les Normands aient eu un double jeu de boucliers ou bien, ils en avaient un par bateau, comme un signal de timonerie ; ou bien, et c’est ce qui semble le plus probable d’après les circonstances, les boucliers étaient peints de couleurs voyantes à l’extérieur, en blanc à l’intérieur. Le guerrier pouvait à tout moment faire le signal de paix ou le signal de guerre.