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[Lect. VII.]
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RIG-VÉDA. — SECTION PREMIÈRE.

nous devienne propice. Ô Agni, que ton amitié ne nous soit pas inutile !

13. Tu es le dieu des dieux, un ami admirable, le trésor des trésors, superbe dans le sacrifice. Reçois-nous sous ta puissante protection. Ô Agni, que ton amitié ne nous soit pas inutile !

14. Tu aimes à te voir placé dans un foyer brûlant, honoré par des libations et chanté dans nos hymnes. Rempli de douceur, tu accordes à ton serviteur des trésors et des richesses. Ô Agni, que ton amitié ne nous soit pas inutile !

15. Il n’est coupable d’aucune négligence dans son devoir religieux, celui que tu combles de tes dons, celui que tu remplis d’une heureuse force, dieu opulent et indestructible. Accorde-nous de la richesse et de la famille.

16. Dieu qui sais où est le bonheur, Agni, prolonge ici-bas notre vie. Qu’ils nous protègent également, Mitra, Varouna, Aditi, la Mer, la Terre et le Ciel !




LECTURE SEPTIÈME

HYMNE I.

À Agni, par Coutsa.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Deux (mères)[1] de couleur différente et marchant d’un pas rapide, enfantent chacune un nourrisson. Du sein de l’une naît (Agni appelé) Hari[2] et honoré par les libations ; du sein de l’autre naît (le Soleil, surnommé) Soucra[3], à la flamme éclatante.

2. Dix jeunes (ministres)[4], infatigables, font sortir du sein (de l’Aranî), où il est renfermé, ce Twachtri[5] aux flammes aiguës ; ils amènent au jour ce (dieu) qui a plusieurs demeures, et qui, plein de gloire, vient briller parmi les hommes.

3. On célèbre sa triple naissance[6] ; il naît au sein des libations, dans le soleil, au milieu des ondes (aériennes). Il indique, il dispose successivement la région de l’orient et la variété des saisons terrestres.

4. Qui de vous a vu (le dieu), quand il se cache (au milieu des eaux) ? Nourrisson tout à l’heure, le voilà qui, par la vertu du sacrifice, produit maintenant ses propres mères. Ainsi (Agni), grand et sage, honoré par nos libations, engendre l’onde du nuage, et renaît lui-même au sein de (l’onde) des œuvres (saintes)[7].

5. Il croît et se manifeste avec clarté dans les eaux (du sacrifice) ; il s’élève ensuite glorieux au sein des (ondes) voyageuses. (Le Ciel et la Terre) tremblent devant Twachtri[8] sortant de son berceau, et vénèrent ce lion (des batailles).

6. Tous les deux le vénèrent, tels que deux serviteurs ; ils le suivent comme les vaches suivent leurs nourrissons. Et lui, il est le maître de la force ; et les (prêtres), commençant par la droite[9] leurs cérémonies, l’honorent de leurs holocaustes.

7. Pareil à Savitri, il étend au loin ses bras[10], et, terrible, il travaille à former son double vêtement[11]. Il emprunte partout les vapeurs qui composent son corps éblouissant, et il donne à ses nourrices fécondes de nouveaux habillements.

8. Quand ce dieu sage et protecteur élève ainsi dans les airs sa forme brillante, se mêlant aux

  1. Il me semble que, pour expliquer ce passage, il faut croire que ces deux mères de couleurs diverses, ce sont la nuit et l’aurore. Quand la nuit va finir, on allume le feu du sacrifice, qui paraît naître de la nuit même. Bientôt apparaît l’aurore, suivie du soleil : on dirait qu’elle vient de l’enfanter. Ces naissances et généalogies poétiques sont indépendantes de celles que l’imagination des poëtes peut facilement produire ailleurs.
  2. Ce mot offre plusieurs significations ; je le traduis ordinairement par azuré.
  3. Ce mot signifie brillant.
  4. Ces dix ministres, ce sont les dix doigts, qui travaillent à extraire le feu de l’arani.
  5. Twachtri n’est pas ici le nom particulier d’Agni Vêdyouta. (Voy. p. 48, col. 5, note 1 ; et p. 88, col. 2, note 2.) L’acception de ce mot est plus générale pour désigner le dieu Agni, quoiqu’une grande partie des strophes se rapporte à Twachtri.
  6. Nous aurons l’occasion de parler encore de ces trois manières de considérer Agni comme feu du sacrifice, feu solaire, feu aérien. Je prie le lecteur de ne pas oublier ces trois naissances d’Agni.
  7. Cette strophe ne peut se comprendre que par une explication sur les effets du sacrifice. Le feu, né au milieu des libations, est transporté au ciel dans le soleil et dans l’air : il y forme l’eau des nuages, et ainsi l’onde l’a produit, et il produit l’onde. Le commentateur dit : « Du soleil naît la pluie, et de la pluie naît la matière des libations. » De ces libations renaîtra le feu, et cette suite de générations d’un dieu triple est pour l’esprit du poëte une source de pensées ingénieuses, mais passablement obscures et futiles.
  8. C’est-à-dire Agni, tonnant et brillant dans les nuages. Au lieu du ciel et de la terre, ne seraient-ce pas plutôt deux nuages au sein desquels s’enferme Agni Vêdyouta ? J’avais un moment adopté ce sens.
  9. Les prêtres, tournant autour du feu sacré, prennent la droite. Il y a aussi un foyer que l’on place du côté du midi, et qui s’appelle dakchinâgni, feu de droite, parce que le midi, pour le prêtre tourné vers l’orient, est du côté droit.
  10. C’est-à-dire ses feux, ses rayons qui pompent l’eau.
  11. Le costume indien se compose de deux pièces : le vêtement supérieur et le vêtement inférieur. Pour Agni, ce double vêtement, ce sont, selon le commentateur, le ciel et la terre ; on comprendrait encore que ce sont les deux parties du nuage au sein duquel il est renfermé.