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[Lect. II.]
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INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

lui sont les bénédictions, pour lui les offrandes. Il est le maître de l’abondance, de la force, de la splendeur.

2. Il faut le prier : nul n’est trompé dans son attente, quand il est constant dans sa demande. Une première, une seconde prière peut être repoussée. L’homme qui ne se rebute pas doit compter sur la puissance d’Agni.

3. C’est pour lui que sont préparés ces vases (du sacrifice) ; c’est pour lui que sont composés ces hymnes[1] : que lui seul entende toutes mes paroles. Il nous comble de biens, il nous met à l’abri du danger, il accomplit les vœux du sacrifice, il nous donne un secours infaillible, il nous aime de l’amour d’un nourrisson : qu’il reçoive et exauce (notre prière).

4. Quand vous êtes assemblés, il vient près de vous ; il naît avec les qualités qui appartiennent à sa nature. Il promet le plaisir et le bonheur à son dévoué serviteur, quand ses hymnes viennent le charmer au sein du foyer qu’il habite.

5. Telle est la forme qu’a revêtue (ce dieu) désirable et accessible, (ce dieu) qui pénètre dans le bois du bûcher. Le sage Agni, ami de la justice et du sacrifice, a révélé aux mortels ce qui doit leur être utile.


HYMNE X.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Chante Agni aux trois têtes[2], aux sept rayons[3], placé entre les deux grands parents[4], et remplissant de ses clartés tout ce monde ou mobile ou inanimé.

2. Un généreux seigneur a rapproché ces deux (mères d’Agni)[5]. Le (dieu) immortel a paru disposé à nous secourir. Ses pieds reposent dans le vase de terre ; ses flammes sucent la mamelle (qui le nourrit).

3. Deux vaches[6] complaisantes s’approchent à la fois du nourrisson encore faible ; elles lui tracent les voies qu’il doit suivre ; elles satisfont à tous ses besoins.

4. Les sages, affermis dans la science et chargés de garder le (dieu), le guident avec empressement dans sa demeure inébranlable. Remplis de sollicitude, ils regardaient autour d’eux pour retrouver leur rapide (élève). À leurs yeux le soleil a paru[7].

5. Charme de nos regards, trésor de toutes les régions célestes, (Agni) est pour les pauvres mortels un objet de louange. En passant par ces divers enfantements, il est le (dieu) magnifique, que tous considèrent avec admiration.


HYMNE XI.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Agni, quand donc tes feux purifiants donnent-ils la vie et l’abondance ? C’est quand les Dévas (mortels), te présentant les deux filles du sacrifice[8], aiment à faire retentir les airs du sâman[9].

2. Jeune (dieu) qui portes la swadhâ[10], écoute la prière dont je t’offre le magnifique tribut. L’un de tes dévoués serviteurs répand des libations, l’autre fait entendre ses chants. Moi j’adore ton corps[11], ô Agni !

3. Tes rayons protecteurs, ô Agni, ont vu ma cécité[12], et m’ont délivré du mal. Le (dieu) qui possède tous les biens a protégé ces (hommes) pieux. Les ennemis qui avaient le dessein de nous nuire ont échoué dans leur projet.

4. Ô Agni, notre perfide adversaire va, dans sa

  1. Le commentaire donne au mot arvatîh le sens de stoutayah.
  2. On distingue trois espèces de feux : ce sont les trois têtes d’Agni. Le commentaire explique encore cette idée en disant qu’Agni brille dans les trois mondes, ou bien qu’on l’allume à trois époques de la journée.
  3. On décompose la flamme en sept rayons ; suivant le commentateur, ces sept rayons seraient les sept espèces de mètres (tchhandas) sur lesquels se composent les hymnes.
  4. C’est-à-dire, entre le ciel et la terre.
  5. C’est l’aranî ; ou bien ce sont ces deux vaches dont il va être question. Le commentaire entend ce passage d’une manière toute différente, en le rapportant au ciel et à la terre, produits par Agni.
  6. Ces deux vaches, qui nourrissent Agni, ce sont les deux espèces d’offrandes, l’une liquide, l’autre solide, les boissons et les mets. Je ne pense pas qu’il soit ici question de deux sacrificateurs, ni du père et de la mère de famille.
  7. Ce distique fait allusion à ce que l’on appelle la seconde naissance d’Agni ; par la vertu du sacrifice et par les directions du sacrificateur, il naît dans le soleil. C’est là sa forme, qu’on appelle Sanskâraroûpam.
  8. Ces deux filles du sacrifice, ce sont l’offrande (ich), et la louange sacrée (stouti). Suivant une autre explication, ce seraient la vie et l’abondance, annâyouchî.
  9. Le sâman est un recueil d’hymnes chantés dans les sacrifices. Plus tard, un des Védas prit ce nom.
  10. Espèces d’offrandes, quelquefois personnifiées.
  11. C’est-à-dire, le feu qui est dans le foyer.
  12. Il est singulier que presque tous ces vieux sages soient considérés comme ayant été aveugles. Je croirais assez qu’il ne faut pas entendre par ce mot une cécité réelle, mais les ténèbres de la nuit, dont Agni est venu les délivrer. Ici le commentaire raconte une petite légende, assez obscène, sur Dîrghatamas, qui avait été aveugle dans le sein de sa mère, et qui, par la protection d’Agni, avait été guéri. Au reste, je remarque que toutes ces légendes, en général, sont faites sur des passages qu’elles prétendent expliquer, et qui s’expliqueraient fort naturellement sans cela.