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[Lect. VIII.]
RIG-VÉDA. — SECTION DEUXIÈME.

blanchâtre. De même que les cavales accourent vers leur jeune poulain, les Dévas viennent soigner les formes d’Agni naissant.

5. Cependant (Agni) élève dans l’air ses membres resplendissants ; de ses nobles rayons il purifie le sacrifice. Il se revêt de lumière, et de la substance des libations se fait de larges et magnifiques ornements.

6. Il s’approche sans les blesser, sans en être blessé, des (Libations), filles du ciel, dont les unes sont couvertes, les autres dépouillées d’un vêtement (d’écume). Et ces sept mères, éternelles et toujours jeunes, sorties d’un même sein, élèvent le même nourrisson.

7. Les flammes d’Agni s’étendent sous mille formes, du milieu du beurre (consacré), sous le flot des autres libations. Cependant à ses côtés sont les vaches nourricières[1] ; à quelque distance reposent ensemble les deux illustres mères du dieu incomparable[2].

8. Ainsi fortifié, brille, ô Agni, et recueille toutes les formes rapides et lumineuses. Des torrents de beurre et de libations sont versés sur ce dieu généreux, qui croit au milieu des hymnes.

9. Quelquefois (Agni) s’enferme de lui-même dans la mamelle que le père[3] (de la nature a préparée pour la terre). Il en fait jaillir des flots de lait. Il existe dans cette retraite avec les (Vents), ses heureux amis, et les Ondes, filles du ciel ; et il y règne en maître.

10. C’est lui encore qui naît comme père, comme créateur (des mondes). (Astre) unique, il pompe et amasse les ondes. Généreux et pur, il engendre les deux grands époux[4]. (Ô dieu), garde (le Ciel et la Terre) ; fais qu’ils soient favorables aux enfants de Manou.

11. Ainsi s’étend (Agni) au sein immense de l’air. Et c’est aux ondes, c’est à nos offrandes qu’il doit sa grandeur. Entouré des soins des (Libations) ses sœurs, Agni, ami de la demeure humaine[5], siége au foyer du sacrifice.

12. Le grand et vigoureux Agni, en faveur de celui qui prodigue les libations, amène et soutient les grands nuages ; (dieu) invincible, noble foyer de lumière, c’est lui qui est le père des vaches (célestes) et le nourrisson des Ondes (sacrées).

13. Cet illustre nourrisson des Ondes et des plantes[6], qui revêt tant de formes, est né de l’heureuse Aranî. Les Dévas s’assemblent pour prier le (dieu) fort et digne de tant d’honneurs, et ils le célèbrent dans son berceau.

14. De larges rayons, brillants comme des éclairs, enveloppent Agni, centre de clartés. Le foyer où il repose est comme la caverne (du lion) ; et ses flammes y puisent d’immortels aliments, de même qu’au sein d’un profond volcan[7].

15. Je t’apporte des holocaustes ; je te loue, je chante ton amitié, et demande ta bienveillance. Viens avec les dieux protéger ton chantre, et garde-nous contre les forces de nos ennemis.

16. Ô Agni, dirige tes serviteurs dans la bonne voie, et rends-les possesseurs de tous les biens. Pour prix de nos sacrifices et de nos abondantes offrandes, puissions-nous vaincre les armées des impies !

17. Tu as été, Agni, le héraut des dieux, et tu as pris une heureuse part à toutes nos cérémonies. Tu aimes tous les mortels, et chéris leur demeure ; tu donnes un char aux dieux, et tu les accompagnes de tes honneurs.

18. Le roi immortel des mortels est sur son trône, et poursuit l’œuvre du sacrifice. Agni, arrosé de notre beurre (sacré), brille avec splendeur, et surveille toutes nos cérémonies.

19. (Dieu) grand et secourable, viens à nous avec tes heureuses amitiés, avec tes nobles secours. Accorde-nous une opulence pleine d’abondance et de renommée, de triomphe, de bonheur et de gloire.

20. Antique Agni, j’ai chanté tes naissances éternelles, tes naissances toujours nouvelles. En l’honneur d’un dieu généreux, nous avons célébré ces grands sacrifices. Nous avons multiplié les naissances du dieu qui possède tous les biens.

  1. Les vases des libations.
  2. Ce sont les deux pièces de l’aranî, qui a donné naissance au feu. Le commentaire veut qu’il soit ici question du ciel et de la terre.
  3. Tout ce passage m’a paru difficile : je n’ai pas cru devoir adopter la pensée du commentateur, lequel croit que ce père c’est l’air, qui, je ne sais comment, se trouve le père d’Agni. Je pense qu’il est ici question du soleil, père du monde, et, par la force de ses rayons, formant le nuage qui est comme la mamelle de la terre. Agni, en sa qualité de vêdyouta, existe dans le nuage que la foudre divise et fond dans les airs.
  4. C’est-à-dire, le ciel et la terre.
  5. Traduction du mot damoûnas. Voy. p. 122, col. 1, note 1.
  6. Ces plantes servent, soit à alimenter le feu, soit à composer les libations.
  7. Oûrva, volcan sous-marin.