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[Lect. V.]
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RIG-VÉDA. — SECTION TROISIÈME.

tonnants, vient, rapide comme le vent, rendre la vie à la nature épuisée !

13. Maghavan donne la richesse au pauvre ; il réduit en poussière le (pécheur) insensé. Armé de la foudre, il brille, il détruit ; mais aussi il établit solidement la fortune de son serviteur.

14. Il a brisé la roue de Soûrya, et empêché l’enlèvement d’Étasa[1]. Le noir (nuage), qui fuyait incertain, (par toi) perce son enveloppe, et verse son onde au sein des airs.

15. C’est ainsi que dans la cérémonie de l’asiknî[2], le sacrificateur (répand ses libations).

16. Sages que nous sommes, nous demandons l’amitié d’Indra. Nous voulons des vaches, des chevaux, d’abondantes moissons, des épouses. Nous invoquons celui qui donne des épouses et qui nous couvre d’une protection solide ; il est pour nous comme le seau qui sert à monter l’eau du puits.

17. Écoute-nous ; tu es notre sauveur, notre parent ; jette les yeux sur ceux qui l’offrent le soma, et fais leur bonheur. Tu es notre ami, notre père, le plus grand des pères ; tu as fait le monde. Donne l’abondance à celui qui te supplie.

18. Ô Indra, écoute-nous ; tu es le protecteur de ceux qui recherchent ton amitié. Montre-toi notre ami. Nous te chantons ; donne l’abondance à celui qui te chante. Dévoués à ton service, ô Indra, nous célébrons ta gloire, et nous t’honorons par ce sacrifice.

19. Oui, nous chantons le magnifique Indra, qui seul triomphe de nombreux ennemis incapables de soutenir son attaque. Le chantre (pieux) est son ami ; il est sous la protection de celui que ni les hommes ni les dieux ne sauraient vaincre.

20. Ainsi qu’il exauce nos vœux, ce magnifique Indra, objet de tant de louanges, protecteur invincible des hommes. Roi de tous les êtres, donne-nous cette riche abondance que (tu as coutume de donner) à celui qui te chante.

21. Ô Indra, par toi que (nos pères) ont chanté, et que nous chantons aussi, (que la maison) de ton serviteur soit remplie de biens, comme les rivières sont remplies (d’eau). (Dieu) traîné par des coursiers azurés, des rites nouveaux sont accomplis en ton honneur : nous t’avons fait des offrandes de toute espèce. Que la Prière devienne pour nous telle qu’un char (fortuné) !


HYMNE XIV.

À Indra, par Vamadéva.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. (Un assistant parle à Vâmadéva.) Voici la voie ancienne que les dieux ont tous suivie pour arriver à l’existence. Que par la même voie naisse (Indra), déjà mûr pour la vie. Par des soins trop empressés ne cause pas l’avortement de la mère[3].

2. (Vâmadéva répond.) Cette voie ne me semble pas encore ouverte. Les accouchements irréguliers sont malheureux. Tout ce que je dois faire n’est pas fait ; avec l’un il faut que j’emploie la force, avec l’autre, la prière[4].

3. La mère se lève. Qu’(Indra) la voie et qu’il vienne. Que tout s’enchaîne et s’accomplisse avec ordre. Que dans la demeure de Twachtri[5] Indra

  1. Voy. page 76, col. 1, note 7 ; section I, lecture iv, hymne xv, st. 13, et même section, lecture viii, hymne ix, st. 13. Je restitue de cette manière la légende d’Étasa, que, surtout page 120, je crois avoir défigurée. Swaswa avait obtenu que le Soleil (Soùrya) s’incarnât et devînt son fils. Le Richi Étasa eut un démêlé avec Soûrya, et il pria Indra de le secourir. Dans un combat Étasa, devenu prisonnier, se trouvait emporté sur le char de Soûrya : Indra brisa une roue de ce char, et arrêta ainsi le ravisseur d’Étasa. Le deuxième vers de cette strophe semble indiquer le sens de cette légende. Étasa serait le nuage que le Soleil paraît emporter dans sa course. Indra brise la roue ou le disque du Soleil, c’est-à-dire obscurcit ses rayons ; le nuage s’arrête, se condense et arrose la terre.
  2. Il y a une cérémonie que l’on nomme askinî, et qui semble devoir être une libation. Elle a lieu le matin quand la nuit règne encore, ou le soir quand la nuit commence : car le mot askinî signifie noire. Le vers ici traduit est ce qu’on appelle écapadi. Il n’a qu’un pada, ou le quart d’une stance.
  3. Je suis loin d’être d’accord avec le commentateur sur tous les détails de cet hymne. Il serait très-long de m’expliquer sur ce dissentiment. Je ne citerai qu’un seul exemple, qui fera sentir la profonde différence qui existe dans nos deux manières de voir. Il pense que par le mot mère il faut entendre ici Aditi, la mère des dieux. Je crois que la mère dont parle le poëte, c’est la vache du sacrifice, la flamme, qui risque de s’éteindre sous les libations multipliées. Il y a dans ce passage un mot qui n’est pas rendu exactement, et sur lequel je vais m’expliquer. Ce mot est amouyâ, pronom féminin au troisième cas. Voici comme je conçois l’esprit de cette strophe : le sacrifice du matin, qui est la matrice où naissent les dieux, se poursuit. La flamme est allumée, mais il est à craindre qu’elle ne soit étouffée par la libation qui sort de la cuiller sacrée, djouhoû. C’est ce mot djouhoû qui me semble sous-entendu, et qui est désigné par le pronom amouyâ. Mâ mâtaram amouya pattavé cah ; ne fais pas tomber la mère avec cette cuiller, c’est-à-dire n’abats point la flamme avec la libation.
  4. On se souvient que c’est par la force que le feu est extrait de l’Aranî. Le poëte va maintenant employer la prière avec Indra.
  5. Twachtri est Agni : sa demeure, c’est le lieu du sacrifice.