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[Lect. III.]
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RIG-VÉDA. — SECTION QUATRIÈME.

2. (Agni répond.) Comme tu le désires, (les Marouts) invités par moi sont arrivés pour (entendre) ton hymne. Honore ces (dieux) terribles, qui viennent écouter de près tes invocations.

3. (Le poëte reprend.) Telle la Nue[1] fécondée par Roudra et percée (par la foudre), vient à nous pour notre bonheur, tels vous venez aussi. Honorée par l’œuvre (sainte), ô Marouts, votre troupe est aussi terrible que l’ours[2], aussi formidable que le taureau.

4. Comme la vache chargée d’un lourd fardeau, ils s’emportent avec violence. Sous leurs efforts ils agitent la montagne lourde et retentissante.

5. (Ô sacrificateur), lève toi ! J’invoque dans mes hymnes la bande illustre, incomparable de ces Marouts, qui grandissent et se répandent tels qu’un troupeau de vaches.

6. Et vous, attelez aux chars vos rouges et brillantes montures. Attachez au joug ces deux coursiers aussi légers que robustes, et qu’ils portent leur charge (précieuse).

7. En ces lieux mêmes a été amené le cheval[3], aux lueurs éblouissantes, aux bruyants éclats. Ô Marouts, ne vous faites pas attendre, et qu’il emporte vos chars.

8. Nous invoquons le char des Marouts, qu’entoure l’abondance et sur lequel est montée Rodasî[4], apportant les ondes pour plaire à ces Dieux.

9. J’invoque donc cette forte et adorable famille des Marouts, que l’on voit briller sur ce char. En même temps qu’eux est honorée une noble (déesse), Mîlhouchî[5], féconde et fortunée.


HYMNE XI.
Aux Marouts, par Syâvâswa.
(Mètres : Djagatî et Trichtoubh.)

1. Enfants de Roudra, compagnons d’Indra, venez sur vos chars d’or vous livrer ensemble au plaisir : venez pour notre bonheur. Notre prière vous appelle. Vous nous ouvrez les sources célestes, comme (jadis vous l’avez fait pour Gotama) épuisé de soif[6].

2. (Dieux) prudents, enfants de Prisni[7], habiles archers, couverts d’armes retentissantes, pourvus de glaives, de flèches, de carquois, de traits menaçants, montés sur de beaux chars et maîtres d’excellents coursiers, ô Marouts, vous vous avancez avec pompe.

3. Agitez le ciel, (remuez) les montagnes (célestes) et (répandez) des trésors sur votre serviteur. Les forêts ont tremblé de crainte sur votre passage. Ébranlez la terre, terribles enfants de Prisni. Pour le bonheur (des hommes) vous avez attelé vos daims.

4. Les Marouts, tels que des frères jumeaux tous égaux en force et en beauté, brillent sous les reflets de l’onde pure. (Dieux) bons et grands, montés sur leurs coursiers noirs ou jaunâtres, ils s’étendent aussi loin que le ciel.

  1. J’ai rendu le mot Prithivî par nue. Ce mot le plus ordinairement signifie terre ; mais ce n’est qu’une épithète, qui a le sens de large, sens qui me semble parfaitement convenir au nuage chargé d’eau. En bien des endroits les poëtes ont employé le mot Prithivî pour signifier une partie de l’espace céleste. Je me suis donc cru autorisé à chercher un sens plus satisfaisant que celui que m’indiquait le commentateur, embarrassé. Il ne me semble pas plus difficile pour le poëte de créer une terre volante que des montagnes aériennes. Voyez même page, col. 2, note 1.
  2. L’ours s’appelle Rikcha ; et je ne sais pas pourquoi le commentateur veut que ce mot soit un synonyme d’Agni.
  3. Il me semble que, dans tout ce passage, ces coursiers et ces chars, ce sont les flammes et les sacrifices. L’invitation d’atteler les coursiers est faite non aux Marouts, mais aux sacrificateurs. Les deux coursiers (hari) me paraissent être les deux espèces d’offrandes. Et ici le cheval dont parle le poëte est ou Agni lui-même, ou du moins le sacrifice.
  4. Voy. pages 287, col. 2, note 3. Rodasî, considérée comme l’épouse de Roudra, est la mère des Marouts. On sait que les épouses des Dieux sont les Prières employées dans les invocations que l’on fait en l’honneur des Dieux. Rodasî est encore regardée comme la Nue, épouse de Roudra. Ne confondez pas ce féminin Rodasî, avec un duel Rodasi, qui s’emploie pour désigner le ciel et la terre.
  5. Mîlhouchî est le féminin de l’adjectif mîlhouch (pluvius), épithète de Roudra. On en a fait un nom de la Nue, épouse de ce Dieu, autrement appelée Rodasi ou Prisni.
  6. Voy. page 93, col. 1, note 2.
  7. Nous avons dit que Prisni était un nom de la Terre, considérée comme la mère des Marouts. Mais nous avons ajouté (page 53, col. 1, note 5) que Prisni était plutôt la Nue. Les notes qui précèdent me semblent devoir confirmer cette opinion. Le mot Prisni signifie brillant : cette épithète convient au nuage qui réfléchit les rayons et qui s’enflamme des feux de la foudre. La voûte du ciel, couverte de nuages, ressemble à une seconde terre et mérite le nom de Prithivî. C’est cette terre céleste, et non notre terre humaine, qui devient l’épouse de Roudra, c’est-à-dire de l’air, pour l’enfantement des vents. La mythologie indienne tranchait ainsi la question de l’origine des vents, en l’attribuant au déplacement des nuages. Ce corps nuageux, connu sous ce nom de Prisni, est, dans une autre mythologie, nommé Diti, par opposition à Aditi. Aditi est l’ensemble de l’univers, qui se tient sans division : Diti est précisément ce qui s’en détache, ce qui se coupe et tombe en dissolution ; de là vient que les Dêtyas, ou enfants de Diti, sont les agents du mal.