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[Lect. II.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.
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6. L’Yakchou Tourvasa[1] est venu comme les poissons attirés (par l’appât) ; il a voulu conquérir l’abondance. Les Bhrigous et les Drouhyous s’élancèrent à l’envi, et, dans leur lutte, (Indra) fit triompher son ami.

7. Les (prêtres), épuisés par la pénitence et heureux dans leur dévotion, l’hymne pieux à la bouche et la corne (noire à la main)[2], après avoir préparé l’holocauste, ont chanté les louanges (d’Indra. Et le dieu) est venu avec les Tritsous[3] combattre les Asouras. Partageant les plaisirs de l’Arya[4], il a amené les vaches (célestes).

8. Les Asouras insensés ont desséché (le sein) d’Aditi[5], et pris (les ondes de) la Parouchnî[6]. La Vache[7] (céleste) grandit, et couvre Prithivî[8] ; le sage enfant de Tchayamâna[9] reste endormi.

9. Ils viennent donc comme à une conquête assurée, et s’emparent de la Parouchnî. Mais Indra apparaît. En faveur de Soudas, dans (ce monde de) Manou, il a vaincu des ennemis remplis de jactance et entourés d’une belle famille.

10. Les (Marouts) allaient tels que des génisses sans pasteur, éloignées du pâturage. Rassemblés autour d’un ami déclaré, les nourrissons de Prisni, lancés par elle, se sont empressés, pareils à des coursiers bondissants.

11. Tel que le prêtre qui, pour le siége (du sacrifice), coupe (vingt et une) tiges de cousa, le royal héros, Indra, pour satisfaire à son désir de gloire, immole sur les deux bords (de la Parouchnî) vingt et un (Asouras), et donne l’essor aux Marouts[10].

12. C’est ainsi que le dieu, qui arme son bras de la foudre, frappe le célèbre Cavatcha, et le grand Drouhyou[11] au milieu des eaux. Dans cette enceinte (sacrée), ceux qui te sont dévoués et qui t’aiment se réjouissent (de ta victoire).

13. Aussitôt Indra a renversé toutes leurs forteresses, et par sa force a brisé leurs sept villes. Il a donné (à la troupe) des Tritsous[12] la part des enfants d’Anou[13]. Puissions-nous (également), pour prix de notre sacrifice, vaincre le superbe Poûrou[14].

14. Les enfants d’Anou et les Drouhyous, qui avaient désiré les Vaches (célestes), périrent, malgré leur vaillance, au nombre de douze mille soixante-six[15]. Telles sont les prouesses d’Indra dignes de tous nos éloges.

15. Ces Tritsous, auxiliaires d’Indra, sont lancés par lui, comme les ondes qui descendent (de la montagne). Mais les vils (Asouras), tels que des marchands intéressés, ont abandonné à Soudas tous les biens qu’ils possédaient[16].

16. Indra poursuit sur la terre le superbe ennemi de son serviteur, l’impie qui ne le connaît pas, et qui est avare d’offrandes. Il écrase de sa colère les (vaines) colères, et il sait trouver le chemin de la maison (d’un ami).

17. Pour protéger (cet ami), Indra a fait une chose merveilleuse. Avec une chèvre il a donné la mort au lion ; avec une aiguille il a percé des

  1. Tourvasa est un ancien roi, dont il a déjà été question, et ordinairement protégé par Indra, excepté une fois. Voy. sect. IV, lect. vi, hym. xi, st. 7. Le mot Yakchou est, à ce qu’il paraît, un nom de peuple : voy. p. 357, c. 1, n. 3. Le commentaire, expliquant ce passage, rapporte qu’une querelle survint entre Soudas et Tourvasa, et qu’Indra, sauvant Soudas, tua Tourvasa. Dans ce cas les Bhrigous sembleraient avoir été les partisans de Soudas, et les Drouhyous, ceux de Tourvasa. Suivant une autre version, il paraîtrait que Tourvasa aurait été favorisé dans un débat entre les Bhrigous et les Drouhyous, où il n’est pas question de Soudas. Je croirais assez que les Bhrigous représentent ici les prêtres du sacrifice, et les Drouhyous, les Asouras vaincus par l’assistance d’Indra. J’ai laissé à la traduction toute l’ambiguïté du texte.
  2. Le commentateur dit que les prêtres portent à la main une corne noire pour gratter, coundayanârtham crichnavichânahastâh dîkchilâh.
  3. Le commentateur dit que les Tritsous sont un peuple. Je prends ce mot pour un nom de Marouts. Le même commentateur dit ailleurs que ce sont les disciples de Vasichtha. Voy. sect. V, lect. vi, hym. iii, st. 4.
  4. Le chef de famille, peut-être Tourvasa ou Soudâs.
  5. Aditi est la nature dans son ensemble. Le commentaire ne voit dans ce mot qu’un adjectif, qu’il fait rapporter à la Parouchnî.
  6. La Parouchnî est une rivière céleste.
  7. C’est-à-dire, le nuage.
  8. Prithivî signifie large ; et ce mot, qui s’applique ordinairement à la terre, s’emploie aussi pour l’air.
  9. Le texte porte Tchâyamâna, que le commentaire se contente d’interpréter par fils de Tchayamâna, sans autre explication. Je suppose que Tchayamâna est un nom de Vâyou, le Vent, qui amoncelle les vapeurs et en forme le nuage, Parwata ou Pardjanya, qui ainsi devient son fils. Je fais venir ce mot de tchi, tchayati, amonceler, ou de tchaya, aller.
  10. Il doit y avoir quelque analogie entre Indra, ouvrant ici le nuage pour former les Marouts, et Indra déchirant en sept morceaux le fruit que Diti porte dans son sein.
  11. Il paraît que ce sont les noms de deux Asouras.
  12. Le texte porte le singulier : à Tritsou.
  13. Ordinairement ce sont les hommes. Ce sens semblerait ici modifié.
  14. Apparemment un prince de ce nom, ennemi du sacrificateur. Il est possible qu’il y ait ici quelque allusion à l’histoire antique de l’Inde, où, parmi les enfants d’Yayâti, il y a un Poûrou, un Drouhyou, un Anou, un Tourvatou.
  15. Littéralement, soixante centaines, six mille soixante-six.
  16. Le commentaire, confondant les deux parties de ce distique, regarde les Tritsous comme de faux amis et des traîtres.