Page:Langlois - Rig Véda.djvu/42

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Leur cadre est étroit : leurs grands dieux qu’ils nomment les Adityas ne sont qu’au nombre de douze ; ils confondent parfois les attributs et les rôles de chacun de ces dieux, ils leur accordent tour à tour la priorité et la souveraineté célestes, ils ne savent auquel d’entre eux attribuer la création et la toute-puissance. Qu’importe ! ils ne raisonnent pas, ils chantent ; et leurs hésitations, leurs erreurs, sont toujours rachetées par le tableau qu’ils représentent ou par la scène qu’ils décrivent. Il se dégage de leur poésie une fraîcheur qui nous rend sensible et délicieuse la nature limpide des montagnes. Ousha, leur aurore, a toutes les grâces et toutes les beautés à la fois : elle réveille les oiseaux et tranquilise les hommes, elle apporte sur son char tous les dons des dieux ; elle est l’admirable par ses couleurs, la bienfaisante par ses promesses, la toute aimable par ses charmes, l’impatiemment attendue, l’éternellement espérée. Et les Açwins, les crépuscules, quelle belle, juste et pittoresque épithète que de les surnommer les véridiques, ceux qui ne trompent jamais aucun être de la création ; les messagers fidèles qu’on bénit d’annoncer l’aurore, qu’on remercie de présider à la nuit, pour mettre l’homme en garde et imposer le sommeil aux animaux. Et les Marouts, les vents, ces braves, ces diligents, ces infatigables compagnons d’Indra dans sa lutte perpétuelle contre les noirs nuages qui, sans lui, se résoudraient en grêle plutôt qu’en pluie, qui désoleraient la nature, au lieu de la féconder. Comme ils combattent avec ardeur, ces vaillants auxiliaires, comme ils se précipitent, comme ils se succèdent, comme ils attaquent le sinistre Vritra, l’amonceleur des nuées, le génie des frimas et des ténèbres, comme ils dispersent ses masses compactes, comme ils apprêtent l’œuvre d’Indra qui, d’un coup de foudre, achève la victoire !

Le nombre est grand des auteurs auxquels on attribue ces hymnes, si riches de ton, si variés d’images, d’un mouvement si lyrique, comme celui à Indra par Gritsamada ; d’une grâce si délicate, comme celui à l’aurore par Gotâma ; d’une ampleur si majestueuse, comme celui de Vamadéva à Agni. Aussi faut-il leur pardonner, comme le fait M. Barthélémy Saint-Hilaire, certaines répétitions dans la forme de leurs poésies et dans le sujet de leurs chants. Chaque chantre cependant semble avoir son dieu de prédilection. Pour Viswamitra, poëte guerrier, c’est Indra ; pour son rival, Vasichtha, poëte prêtre, c’est Agni ; pour Sounahsépa, c’est Varouna, le dieu des espaces célestes de la nuit comme du jour, dont l’œuvre n’est jamais interrompue, dit son panégyriste ; pour Hiranyastoupa, c’est Savitri, le soleil vivifiant, et il en raconte pompeusement les grandeurs et la puissance ; pour Canwa et Gotama, ce sont les Marouts, qui dispersent, ébranlent, fendent les nuages, et les font tomber en bienfaisante pluie ; pour Savya, c’est Indra, non le dieu des combats terrestres, mais le distributeur des eaux célestes, vainqueur de Vritra, le noir nuage ; enfin pour chacun d’eux aussi, c’est toujours Indra, la force, et Agni, la bonté. On ne saurait croire avec quelle abondance, quelle pompe, quelle imagination, ils proclament et décrivent les vertus de