Page:Langlois - Rig Véda.djvu/540

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
532
[Lect. VIII.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

entendre leur voix. Et je vais à l’endroit où ils sont, pareil à une femme perdue d’amour.

6. Le joueur arrive à la réunion. Il se dit, le corps tout échauffé : « Je gagnerai ! » Les Dés s’emparent de l’âme du joueur, qui leur livre tout son avoir.

7. Les Dés sont comme le (conducteur de l’éléphant), armé d’un croc avec lequel il le presse. Ils brûlent le joueur de désirs et de regrets, remportent des victoires, distribuent le butin, font le bonheur et le désespoir des jeunes gens, et, pour les séduire, ils se couvrent de miel.

8. La troupe des cinquante-trois[1] se livre à ses ébats ; (et brille) comme le juste et divin Savitri. Ils ne cèdent ni à la colère ni à la menace. Le roi lui-même se baisse devant eux.

9. Roulant par terre, secoués dans l’air, ils sont privés de bras ; et ils commandent à celui qui en a. Ce sont des charbons[2] célestes qui tombent sur le sol, et qui glacent et brûlent le cœur.

10. L’épouse du joueur abandonnée s’afflige ; sa mère (se désole), ne sachant ce qu’est devenu son fils. Lui-même, poursuivi par un créancier, tremble ; la pensée du vol lui est venue ; il ne rentre chez lui que la nuit.

11. En revoyant sa femme, il songe que d’autres épouses sont heureuses, que d’autres ménages sont fortunés. Dès le matin il attelle de nouveau le char de ses noirs coursiers[3], et quand Agni s’éteint, il couche par terre comme un misérable Vrichala[4].

12. (Ô Dés), je salue avec respect celui qui est le roi et le chef de votre grande armée. Je ne dédaigne pas vos présents, et je vous tends les deux mains. Mais je dirai en toute vérité :

13. Ô joueur, ne touche pas aux dés ! Travaille plutôt à la terre, et jouis d’une fortune qui soit le fruit de ta sagesse. Je reste avec mes vaches, avec mon épouse. J’ai ici un (bonheur) qui a pour garant le grand Savitri.

14. (Ô Dés), soyez bons pour nous, et traitez nous en amis. Ne venez pas avec un cœur impitoyable. Réservez votre colère pour nos ennemis. Qu’un autre que nous soit dans les chaînes de ces noirs (combattants).


HYMNE III.
Aux Viswadévas, par Lousa, fils de Dhanaca.
(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. En l’honneur d’Indra les Feux se sont éveillés, et apportent leur lumière au lever de l’Aurore. Le Ciel et la Terre, ces deux grandes (divinités), ont aperçu les Ondes. Nous demandons aujourd’hui le secours des dieux.

2. Nous demandons le secours du Ciel et de la Terre. Nous invoquons les (Ondes), mères (du monde), les Eaux et les Montagnes du Saryanâvân[5], le Soleil et l’Aurore. Nous désirons que nos fautes soient effacées. Que la libation de Soma nous soit aujourd’hui propice !

3. Que le Ciel et la Terre, ces deux grands parents, nous conservent dans l’innocence et pour le bonheur. Que l’Aurore qui se lève éloigne de nous le mal. Nous venons pour notre prospérité allumer les feux d’Agni.

4. (Invoquée) la première, que (l’Aurore), vache divine et opulente, en retour de nos hommages, nous apporte ses riches présents. Loin de nous la colère du méchant ! Nous venons pour notre prospérité allumer les feux d’Agni.

5. Que les Aurores bienfaisantes accourent vers nous. Que les Feux apparaissent entourés d’une large lumière. Que les Aswins attellent leur char rapide. Nous venons pour notre prospérité allumer les feux d’Agni.

6. Ô Savitri, envoie-nous aujourd’hui de tes biens une bonne et heureuse part ; car tu possèdes des biens précieux. Je m’adresse à la Prière, la mère de l’opulence. Nous venons pour notre prospérité allumer les feux d’Agni.

7. Qu’elle produise pour nous le fruit du sacrifice et des louanges que les enfants de Manou présentent aux dieux. Le Soleil en se levant couvre de sa lumière toutes les Vaches (célestes). Nous venons pour notre prospérité allumer les feux d’Agni.

8. L’innocence (dans le cœur) et la prière (à la bouche), rapprochés du mortier, nous nous plaçons sur le gazon (sacré). Pour obtenir la protection des Adityas, tu accomplis les rites du (sacrifice). Nous venons pour notre prospérité allumer les feux d’Agni.

  1. Les trois dés forment un ensemble de cinquante-trois points.
  2. Le poëte a dit tout à l’heure que les dés étaient noirs.
  3. Le poëte désigne ainsi les dés.
  4. Nom d’une classe d’hommes impurs et vicieux.
  5. Je pense que c’est un lac du Couroukchétra, déjà mentionné plusieurs fois.