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[Lect. I.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

de leur semence féconde, et le foyer du sacrifice en est arrosé.

7. Quand Je père s’est uni à sa fille, il vient répandre sa semence sur la terre. Les pieux Dévas, qui ont enfanté les Rites, ont établi (Agni) pour être le gardien de leur œuvre, le maître de la demeure (sainte)[1].

8. Que ce (dieu) jette donc, pour ainsi dire, son écume (lumineuse) sur le champ (du sacrifice). Qu’il se précipite témérairement de tous côtés. On dirait qu’il recule en retenant le pied droit ; on dirait qu’il refuse de toucher les vaches que je lui présente[2].

9. Que le (dieu) qui par son souffle agite le monde, arrive pour soutenir la mamelle d’Agni. Tel que le poëte[3] (avec ses chants), qu’il le réveille. (Le prêtre) apporte le bois, et enfante l’holocauste ; et (Agni) naît pour soutenir et défendre (ses serviteurs).

10. Les (Angiras) Navagwas,[4] chantant Rita, ont recherché sa tutelle et l’amitié de sa charmante fille.[5] Privés du sacrifice, ils sont venus trouver le (dieu) gardien de ce monde placé entre le Ciel et la Terre,[6] et ils ont retrouvé le lait (céleste).

11. Avec l’amitié de la charmante fille (de Rita), ils obtiennent encore un bien nouveau ; et ce bien, que produit la pure semence d’un dieu, c’est le lait de la Vache du sacrifice.

12. (Les Angiras) avaient trouvé l’étable vide de son troupeau (céleste). Mais un (dieu) bon et réparateur s’écrie pour consoler le sage : « Ô sacrificateurs, me voici ! Votre richesse va vous être rendue. »

13. Ainsi (les Angiras) se rassemblent autour d’Indra. Ils allument les feux nombreux (du sacrifice). Indra cherche à briser les membres du fils de Nrichad[7]. Enfin le (dieu) invincible pénètre dans la caverne (ténébreuse), et déchire le corps de Souchna qui couvrait le monde.

14. Alors naît la Lumière. Alors brillent, comme le soleil, ces Dévas qui siégent au triple foyer. Alors apparaît Agni, surnommé Djatavédas ; « écoute-nous, ô sacrificateur ! » (Agni) qui honore Rita veut notre salut.

15. J’ai chanté Indra, et, comme Manou, j’ai préparé le gazon pur (et sacré). Venez aussi prendre part au sacrifice, ô Nâsatyas, enfants radieux de Roudra ![8]Soyez célébrés parmi les nations ; soyez heureux de nos hommages, et comblez nous de vos bienfaits.

16. J’adore aussi et je chante ce (dieu) fort[9], ce roi prudent, qui traverse l’océan (aérien), et dont les rayons sont les chaînes du monde. Il a donné de la vigueur à Cakchîvân. Il a communiqué à Agni la rapidité avec laquelle tourne la roue d’un char.

17. (Agni) le sacrificateur est l’ami des deux races (divine et humaine) ; il est appelé Vêtarana,[10]et nous donne le lait de la Vache rapide du sacrifice. Cependant, par des chants pieux, je demande la protection de Mitra, Varouna et Aryaman.

18. (Ô Agni,)[11] Nâbhânédichtha, ton parent, dépose en ton sein brillant la libation et la prière ; il t’adresse ses vœux. Ici est notre mère commune, et je ne suis qu’un de ses nombreux enfants.

19. « Oui, » (dit Agni), « ici est ma mère ; ici, ma demeure ; ici, mes Dévas. Je suis tout ici. Les Dwidjas[12] sont les premiers-nés de Rita. La Vache (du sacrifice) vient de naître, et vous offre son lait. »

20. Ainsi le (Dieu) rapide et brillant, qui appartient à deux mondes, dévore le bois qui est son aliment, et s’élance avec joie dans l’air. Sa mère l’a enfanté pour que sa force fasse notre bonheur : le jeune nourrisson croît, se dresse,

  1. Vâstochpati.
  2. Ce passage me semble une peinture du feu qui languit. Le commentateur y trouve des allusions à Roudra.
  3. Le texte porte le mot nagna qui signifie nudus, et qu’ailleurs le commentateur a traduit par stotri. Ici il donne à ce mot le sens de Rakchasa.
  4. Voy. page 80, col 1. note 6.
  5. Le commentateur nomme ce personnage Srouti, synonyme de Saraswatî. Voy. page 547, col. 2, note 2.
  6. Traduction du mot Dwibarhas.
  7. C’est un nom donné à l’Asoura des ténèbres, comme habitant parmi les hommes.
  8. Dans la stance 4, les Aswins étaient appelés enfants du Ciel (divo napâtâ). Ici le poëte dit qu’ils sont enfants de Roudra, dieu de l’air, qu’ils traversent dans leur course journalière.
  9. Le commentaire pense que ce dieu est Soma.
  10. Ce mot fait allusion à l’emploi d’Agni, chargé de transmettre les offrandes.
  11. Le commentateur veut reconnaître dans ce passage la parenté de Nâbhânédichtha avec Manou, et par conséquent avec le Soleil. Je n’ai pu y voir que la parenté spirituelle du prêtre et d’Agni.
  12. Ce mot désigne l’homme qui, par l’initiation religieuse, a reçu comme une seconde naissance (bis natus). Il est possible que, dans ces anciens temps, il désignât seulement le prêtre ; par la suite il s’appliqua aux hommes des trois premières castes. La présence de ce mot n’implique pas par lui-même l’établissement de ces castes, il annonce simplement un état social où le sacerdoce a déjà fait assez de progrès pour avoir inculqué parmi le peuple le respect de ses observances.