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[Lect. VI.]
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RIG-VÉDA. — SECTION PREMIÈRE.

dirigent, et viens près de nous. Enivre-toi de nos douces libations. Heureux de notre hommage, ô dieu qui portes la foudre, savoure ici avec ton épouse les plaisirs (que nous t’offrons).


HYMNE III.

À Indra, par Gotama.

(Mètre : Djagatî.)

1. Il est riche en chevaux, il est le premier pour ses troupeaux de vaches, le mortel que tu aides de tes secours, ô Indra ! Tu viens à lui avec tes vastes trésors, comme les eaux vont naturellement à l’Océan.

2. Oui, comme les eaux (coulent vers la mer), les déesses aussi viennent au lieu du sacrifice ; elles ont vu sur la terre poindre et s’étendre la lueur du foyer. Les Dévas, tournés vers l’orient, honorent le (dieu) ami des saintes cérémonies et serviteur des autres dieux ; ils cherchent à lui plaire, comme des amants (à leurs bien-aimées)[1].

3. À cette double libation que verse en ton honneur la cuiller du sacrifice, tu as ajouté l’hommage des hymnes. Pieux et recueilli, (le prêtre) s’occupe de ton culte ; une heureuse force s’attache à celui qui t’adore et te sacrifie.

4. Les Angiras, jadis, auteurs de rites religieux, ont allumé le feu sacré et introduit les offrandes ; ils ont enlevé à Pani ce troupeau (céleste)[2] qu’il gardait comme son bien, et qui sert à la prospérité de nos coursiers et de nos vaches.

5. Atharvan[3], le premier, avait enseigné le moyen d’ouvrir par les sacrifices la voie (aux vaches célestes), à l’heure où naît le soleil, leur bien-aimé et le gardien des œuvres pieuses, à l’heure où le fils de Gavi[4], Ousanas, se présente en même temps pour détourner ces vaches. Alors nous invoquons l’immortel (Indra), né pour repousser (les Asouras).

6. Quand, jaloux d’obtenir une heureuse postérité, (le chef de famille) fait préparer le pur cousa, ou bien qu’il charge le prêtre de chanter auprès d’un brillant autel l’hymne poétique ; quand la pierre (du mortier) résonne comme la voix d’un chantre sacré, c’est alors qu’Indra se plaît à venir à nos fêtes.


HYMNE IV.

À Indra, par Gotama.

(Mètres : Anouchtoubh, Ouchnich, Gâyatrî, Trichtoubh, Vriatî et Panktî.)

1. Les libations sont versées pour toi, ô Indra puissant et vainqueur ! Viens. Que la force te remplisse, comme le soleil (remplit) le ciel de ses rayons.

2. Partout où les poëtes chantent ses louanges, partout où les mortels lui offrent des sacrifices, les deux coursiers d’Indra transportent ce (dieu), dont la vigueur est insurmontable.

3. Vainqueur de Vritra, monte sur ton char ; la prière vient d’atteler tes chevaux. Que ton attention se tourne du côté de la pierre (du mortier) qui résonne (pour toi).

4. Bois, ô Indra, ce breuvage excellent, immortel, enivrant, dont la pure rosée coule pour toi dans le foyer sacré.

5. Honorez donc Indra, et chantez ses louanges. Qu’il s’enivre de nos libations. Vénérez sa force éclatante.

6. Il n’est pas de plus habile écuyer que toi, ô Indra, quand tu attelles tes chevaux. Il n’est personne qui égale ta force, personne qui puisse te surpasser, aurait-il les meilleurs coursiers.

7. Celui qui seul distribue la richesse au mortel qui l’honore, qui domine sans contestation, c’est Indra. Oh, viens !

8. Quand donc Indra voudra-t-il briser l’impie, comme on brise de son pied une plante épineuse ? Quand voudra-t-il écouter nos prières ? Oh, viens !

9. Celui qui, entouré de dévots serviteurs, t’honore de ses libations, ô Indra, tu lui donnes une force terrible. Oh, viens !

10. Les blanches (vaches du ciel) boivent cette douce rosée partout répandue. Elles s’unissent au

  1. Cette strophe représente les prières et les rites sacrés remplissant leurs fonctions. Le dieu qu’ils honorent est Agni.
  2. Voy. p. 44, col. 1, note 7. Ce troupeau céleste, ce sont les nuages qui fertilisent la terre, et qui sont amenés au ciel par les prières des Angiras.
  3. Atharvan (voy. p. 90, col. 1, note 1) me paraît avoir institué les sacrifices du matin, dans lesquels on demande aux dieux la pluie que les Asouras retiennent prisonnière.
  4. Ce fils de Cavi, cet Ousanas, est le même que Soucra (voy. p. 73, col. 2, note 2). Ousanas, régent de la planète de Vénus, est aussi le précepteur des Asouras ou génies des ténèbres, qu’il semble diriger le matin et le soir. Il soutient la cause de ses élèves chéris. Les Dévas ont pour défenseur et pour maître Vrihaspati, c’est-à-dire Agni. Ce nom de Vrihaspati a été donné à la planète de Jupiter : quand on le rencontre dans ces hymnes, il me semble ne désigner que le dieu Agni. Pour le nom de Cavi, je renvoie à la préface qui précède le deuxième volume du Bhâgavata-Pourâna de M. Eug. Burnouf. Quant à moi, au lieu de reconnaître un personnage de Cavi, peut-être imaginaire, je traduirais volontiers le mot Câvya, qui est dans le texte, par ceux-ci : digne d’être chanté par le poëte (stoutyah).