Aller au contenu

Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sans érudition, pas d’histoire. Non sunt contemnenda quasi parva, dit saint Jérôme, sine quibus magna constare non possunt[1].

D’un autre côté les professionnels, en cherchant à se donner des raisons d’être fiers des travaux qu’ils exécutent, ne se sont pas contentés de les représenter comme nécessaires ; ils se sont laissé entraîner à en exagérer les vertus et la portée. On a dit que les procédés si sûrs de la critique d’érudition avaient élevé l’histoire à la dignité d’une science, « d’une science exacte » ; que la critique de provenance « fait pénétrer plus profondément qu’aucune autre étude dans la connaissance des temps passés » ; que l’habitude de la critique des textes affine ou même confère « l’intelligence historique ». Tacitement, on s’est persuadé que la critique d’érudition est toute la critique historique, et qu’il n’y a rien au delà du nettoyage, du raccommodage et du classement des documents. — Cette illusion, assez répandue parmi les spécialistes, est trop grossière pour qu’il soit utile de la combattre expressément : c’est, en effet, la critique psychologique d’interprétation, de sincérité et d’exactitude qui « fait pénétrer plus profondément qu’aucune autre étude dans la connais-

  1. Cet argument, facile à développer, l’a été souvent, et récemment encore par M. J. Bédier, dans la Revue des Deux Mondes, 15 févr. 1894, p. 932 et suiv.
    Quelques personnes admettent volontiers que les travaux d’érudition sont utiles, mais, agacées, se demandent si « la recension d’un texte » ou « le déchiffrement d’un parchemin gothique » est « l’effort suprême de l’esprit humain », et si les facultés intellectuelles que suppose l’exercice de la critique externe méritent ou ne méritent pas « ce que l’on mène de bruit autour de ceux qui les possèdent ». Les pièces d’une polémique sur cette question, évidemment dépourvue d’importance, entre M. Brunetière, qui conseillait aux érudits la modestie, et M. Boucherie, qui insistait sur les motifs que les érudits ont d’être fiers, se trouvent dans la Revue des langues romanes, 1880, t. I et II.