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Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/116

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évidemment excellentes alors pour traiter des détails et de l’ensemble de l’histoire ancienne. Ne nous lassons pas de le répéter : la critique externe est toute préparatoire ; elle est un moyen, non un but ; l’idéal serait qu’elle eût été suffisamment pratiquée pour qu’il fût désormais possible de s’en dispenser ; ce n’est qu’une nécessité provisoire.

Non seulement il n’est pas, en théorie, obligatoire que les personnes dont c’est l’intention de faire des synthèses historiques aient elles-mêmes approprié les matériaux sur lesquels elles opèrent ; mais on est en droit de se demander, et on s’est souvent demandé, si cela est avantageux[1]. Ne serait-il pas préférable que les ouvriers de l’œuvre historique fussent spécialisés ? Aux uns — les érudits — seraient dévolues les besognes absorbantes de la critique externe ou critique d’érudition ; les autres, allégés du poids de ces besognes, auraient plus de liberté pour procéder aux travaux de critique supérieure, de combinaison et de construction. Tel était l’avis de Mark Pattison, qui a dit : History cannot be written from manuscripts, ce qui signifie : « Il est impossible d’écrire l’histoire d’après des documents que l’on est tenu de mettre soi-même en état d’être utilisés ».

Jadis les professions d’« érudit » et d’« historien » étaient, en effet, très nettement distinctes. Les « historiens » cultivaient le genre littéraire, pompeux et vide, que l’on appelait alors « l’histoire », sans se tenir au courant des travaux effectués par les érudits. Les érudits, de leur côté, posaient, par leurs recherches critiques, la condition de l’histoire, mais ils ne se sou-

  1. Cf., sur le point de savoir s’il est nécessaire que chacun fasse « all the preliminary grubbing for himself », J.M. Robertson, Buckle and his critics (London, 1895, in-8), p. 299.