Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/127

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d’erreurs sans nombre. On a donc raison de dire que la vertu cardinale de l’érudit, c’est la patience. — Ne pas travailler trop vite, agir comme s’il y avait toujours profit en la demeure, s’abstenir plutôt que de bâcler, ces préceptes sont faciles à énoncer, mais il faut, pour y conformer sa conduite, un tempérament rassis. Les gens nerveux, « agités », toujours pressés d’en finir et de varier leurs entreprises, désireux d’éblouir et de faire sensation, peuvent trouver à s’employer honorablement dans d’autres carrières ; dans celle de l’érudition, ils sont condamnés à entasser des œuvres provisoires, quelquefois plus nuisibles qu’utiles, et qui leur attireront, tôt ou tard, des ennuis. Le véritable érudit est de sang froid, réservé, circonspect ; au milieu du torrent de la vie contemporaine qui s’écoule autour de lui, il ne se hâte jamais. À quoi bon se hâter ? L’important est que ce que l’on fait soit solide, définitif, incorruptible. Mieux vaut « limer pendant des semaines au petit chef-d’œuvre de vingt pages » pour convaincre deux ou trois savants en Europe de l’inauthenticité d’une charte, ou passer dix ans à établir le meilleur texte possible d’un document corrompu, que d’imprimer dans le même temps des volumes d’inedita médiocrement corrects, et que les érudits futurs auraient un jour à recommencer sur nouveaux frais.

Quelle que soit la spécialité qu’il choisit dans le domaine de l’érudition, l’érudit doit avoir de la prudence, une force singulière d’attention et de volonté ; de plus, une tournure d’esprit spéculative, un désintéressement complet et peu de goût pour l’action, car il doit avoir pris son parti de travailler en vue de résultats lointains et problématiques, et presque toujours pour autrui. — Pour la critique des textes et pour la