Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/169

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chartes du xie siècle) ; mais elle altère profondément tous les textes littéraires, y compris les récits des historiens. Or la tendance naturelle est de croire plus volontiers les écrivains de talent et d’admettre plus facilement une affirmation présentée dans une belle forme. Le critique doit réagir en appliquant cette règle paradoxale qu’on doit tenir une affirmation pour suspecte d’autant plus qu’elle est plus intéressante au point de vue artistique[1]. Il faut se défier de tout récit très pittoresque, très dramatique, où les personnages prennent des attitudes nobles ou manifestent des sentiments très intenses.

Cette première série de questions aboutira au résultat provisoire de discerner les affirmations qui ont chance d’être mensongères.

V. La seconde série de questions servira à examiner s’il y a un motif de se défier de l’exactitude de l’affirmation. L’auteur s’est-il trouvé dans une des conditions qui entraînent un homme à se tromper ? — Comme en matière de sincérité, il faut chercher ces conditions en général pour l’ensemble du document, en particulier pour chacune des affirmations.

La pratique des sciences constituées nous apprend les conditions de la connaissance exacte des faits. Il n’existe qu’un seul procédé scientifique pour connaître un fait, c’est l’observation ; il faut donc que toute affirmation repose, directement ou par intermédiaire, sur une observation, et que cette observation ait été faite correctement.

  1. Aristophane et Démosthène sont deux exemples frappants du pouvoir qu’ont les grands écrivains de paralyser la critique et de troubler la connaissance des faits. C’est seulement à la fin du xixe siècle qu’on a osé s’avouer nettement leur manque de sincérité