Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

proviennent toutes de gens ayant mêmes préjugés ou mêmes passions : en ce cas la tradition suivie par l’auteur est « colorée » ; la tradition d’Hérodote a une couleur athénienne et une couleur delphique. Il faut pour chacun des faits de cette tradition se demander s’il n’a pas été déformé par l’intérêt, la vanité, les préjugés du groupe. — On peut se demander, sans même considérer l’auteur, s’il y a eu quelque motif de déformation ou au contraire quelque motif d’observer correctement, commun à tous les hommes du temps ou du pays où a dû se faire l’observation : par exemple, quels étaient les procédés d’information et les préjugés des Grecs sur les Scythes au temps d’Hérodote.

De toutes ces enquêtes générales la plus utile porte sur la transmission des affirmations anonymes appelée tradition. Toute affirmation de seconde main n’a de valeur que dans la mesure où elle reproduit sa source ; tout ce qu’elle y ajoute est une altération et doit être éliminé ; de même toutes les sources intermédiaires ne valent que comme copies de l’affirmation originale issue directement d’une observation. La critique a besoin de savoir si ces transmissions successives ont conservé ou déformé l’affirmation primitive ; surtout si la tradition recueillie par le document a été écrite ou orale. L’écriture fixe l’affirmation et en rend la transmission fidèle ; au contraire l’affirmation orale reste une impression sujette à se déformer dans la mémoire de l’observateur lui-même, en se mélangeant à d’autres impressions ; en passant oralement par des intermédiaires elle se déforme à chaque transmission[1], et comme elle se déforme pour des motifs variables, il

  1. La déformation est beaucoup moindre pour les impressions mises dans une forme régulière ou frappante, vers, maximes, proverbes.