Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/209

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science si différente des autres ? C’est le problème fondamental de la méthode. On ne peut le résoudre qu’en commençant par déterminer le caractère essentiel des faits historiques, qui les différencie des faits des autres sciences.

Les sciences d’observation directe opèrent sur des objets réels et complets. La science la plus voisine de l’histoire par son objet, la zoologie descriptive, procède en examinant un animal réel et entier. On le voit réellement, dans son ensemble, on le dissèque, de façon à le décomposer en ses parties, la dissection est une analyse au sens propre (ἀναλύειν, c’est dissoudre). On peut ensuite remettre ensemble les parties de façon à voir la structure de l’ensemble, c’est la synthèse réelle. On peut regarder les mouvements réels qui constituent le fonctionnement des organes de façon à observer la réaction réciproque des parties de l’organisme. On peut comparer les ensembles réels et voir par quelles parties ils se ressemblent de façon à les classifier suivant leurs ressemblances réelles. La science est une connaissance objective fondée sur l’analyse, la synthèse, la comparaison réelles ; la vue directe des objets guide le savant et lui dicte les questions à poser.

En histoire rien de pareil. — On dit volontiers que l’histoire est la « vision » des faits passés, et qu’elle procède par « analyse » ; ce sont deux métaphores, dangereuses si on en est dupe[1]. En histoire, on ne voit

    Préface des Recherches sur quelques problèmes d’histoire (Paris, 1885, in-8), il annonce qu’il va donner ses recherches « sous la forme première qu’ont tous mes travaux, c’est-à-dire sous la forme de questions que je me pose et que je m’efforce d’éclaircir ».

  1. Fustel de Coulanges lui-même semble s’y être trompé : « L’histoire est une science ; elle n’imagine pas, elle voit seulement ». (Monarchie franque, p. 1.) « L’histoire consiste, comme