Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/212

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individuels, à l’image de ceux que nous montre matériellement l’observation directe. Comme ils sont les faits d’hommes vivant en société, la plupart sont accomplis par plusieurs individus à la fois ou même combinés pour un résultat commun, ce sont des actes collectifs ; mais pour l’imagination comme pour l’observation directe ils se ramènent toujours à une somme d’actes individuels. Le « fait social », tel que l’admettent plusieurs sociologues, est une construction philosophique, non un fait historique.

3o Motifs et conceptions. — Les actes humains n’ont pas leur cause en eux-mêmes ; ils ont un motif. Ce mot vague désigne à la fois l’impulsion qui fait accomplir un acte et la représentation consciente qu’on a de l’acte au moment de l’accomplir. Nous ne pouvons imaginer des motifs que dans le cerveau d’un homme, sous la forme de représentations intérieures vagues, analogues à celles que nous avons de nos propres états intérieurs ; nous ne pouvons les exprimer que par des mots, d’ordinaire métaphoriques. Ce sont les faits psychiques (vulgairement appelés sentiments et idées). Les documents nous en montrent de trois espèces : 1o motifs et conceptions des auteurs qui les ont exprimés ; 2o motifs et idées que les auteurs ont attribués à leurs contemporains dont ils ont vu les actes ; 3o motifs que nous pouvons nous-mêmes supposer aux actes relatés dans les documents et que nous nous représentons à l’image des nôtres.

Faits matériels, actes humains individuels et collectifs, faits psychiques, voilà tous les objets de la connaissance historique ; ils ne sont pas observés directement, ils sont tous imaginés. Les historiens — presque tous sans en avoir conscience et en croyant observer des réalités — n’opèrent jamais que sur des images.