Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/233

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privés ; là il suffit de constater en quoi consistait chaque habitude. Il faut seulement avoir soin de distinguer le personnel qui créait ou maintenait les habitudes (artistes, savants, philosophes, créateurs de la mode), et la masse qui les recevait.

Mais quand on arrive aux habitudes sociales ou politiques (celles qu’on appelle des institutions), on rencontre des conditions nouvelles qui créent une illusion inévitable. Les membres d’un même groupe social ou politique n’ont pas seulement l’habitude d’actes semblables, ils agissent les uns sur les autres par des actes réciproques, ils se commandent, se contraignent, se paient l’un l’autre. Les habitudes deviennent des rapports entre eux ; quand elles sont anciennes, formulées dans des règles officielles, rendues obligatoires par une autorité matérielle, maintenues par un personnel spécial, elles prennent une telle place dans la vie qu’elles donnent l’impression de réalités extérieures aux gens qui les pratiquent. Les hommes eux-mêmes, spécialisés dans une occupation ou une fonction qui devient l’habitude dominante de leur vie, paraissent se grouper en catégories distinctes (classes, corporation, églises, gouvernements) ; et ces catégories paraissent des êtres réels, ou tout au moins des organes chargés chacun d’une fonction dans un être réel, qui est la société. Par analogie avec le corps d’un animal, on arrive à décrire la « structure » et le « fonctionnement » d’une société, — ou même son « anatomie » et sa « physiologie ». Il n’y a là que des métaphores. La structure, ce sont les coutumes et les règles qui répartissent les occupations, les jouissances et les fonctions entre les hommes ; le fonctionnement, ce sont les actes habituels par lesquels chaque homme entre en rapport avec les autres. Si l’on trouve commode d’employer