Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/38

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« Je vous affirme, disait E. Renan[1], que les quelques cent mille francs qu’un ministre de l’Instruction publique y affecterait [à la confection d’inventaires] seraient mieux employés que les trois quarts de ceux que l’on consacre aux lettres. » Il ne s’est rencontré que rarement, aussi bien à l’étranger qu’en France, des ministres convaincus de cette vérité, et assez décidés pour se conduire en conséquence. Il n’a pas, d’ailleurs, toujours été vrai que, pour procurer de bons inventaires, il soit suffisant, comme il est nécessaire, de faire des sacrifices d’argent : les meilleures méthodes à employer pour la description des documents n’ont été assurées que récemment ; le recrutement de travailleurs compétents, qui n’offrirait pas aujourd’hui de grandes difficultés, eût été très malaisé et hasardeux, à l’époque où les travailleurs compétents étaient plus rares. — Mais passons sur les obstacles matériels : manque d’argent et manque d’hommes. Une cause d’un autre ordre n’a pas été sans action. — Les fonctionnaires chargés d’administrer les dépôts de documents n’ont pas toujours montré autant de zèle qu’ils en montrent maintenant pour en faire connaître les ressources par des inventaires corrects. Dresser des inventaires (comme on les dresse de nos jours, à la fois très exacts et sommaires) est une besogne pénible, très pénible, sans joie comme sans récompense. Plus d’un, vivant, à cause de ses fonctions, au milieu des documents, libre de les consulter à toute heure, beaucoup mieux placé que le public, en l’absence de tout inventaire, pour faire des dépouillements, et, au cours de ces dépouillements, des découvertes, plus d’un a préféré travailler pour lui plutôt que pour autrui, et fait passer

  1. À l’endroit cité.