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Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/71

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Sachant ce que l’auteur du document a dit, on se demande : 1o qu’est-ce qu’il a voulu dire ; 2o s’il a cru ce qu’il a dit ; 3o s’il a été fondé à croire ce qu’il a cru. À ce dernier terme le document se trouve ramené à un point où il ressemble à l’une des opérations scientifiques par lesquelles se constitue toute science objective : il devient une observation ; il ne reste plus qu’à le traiter suivant la méthode des sciences objectives. Tout document a une valeur exactement dans la mesure où, après en avoir étudié la genèse, on l’a réduit à une observation bien faite.

II. Deux conclusions se dégagent de ce qui précède : complexité extrême, nécessité absolue de la Critique historique.

Comparé aux autres savants, l’historien se trouve dans une situation très fâcheuse. Non seulement il ne lui est jamais donné, comme au chimiste, d’observer directement des faits ; mais il est très rare que les documents dont il est obligé de se servir représentent des observations précises. Il ne dispose pas de ces procès-verbaux d’observations scientifiquement établis qui, dans les sciences constituées, peuvent remplacer et remplacent les observations directes. Il est dans la condition d’un chimiste qui connaîtrait une série d’expériences seulement par les rapports de son garçon de laboratoire. L’historien est obligé de tirer parti de rapports très grossiers, dont aucun savant ne se contenterait[1].

  1. Le cas le plus favorable, celui où le document a été rédigé, comme on dit, par un « témoin » oculaire, est encore bien loin de la connaissance scientifique. La notion de témoin a été empruntée à la pratique des tribunaux ; ramenée à des termes scientifiques, elle se réduit à celle d’observateur. Un témoignage est une observation. Mais, en fait, le témoignage historique diffère notablement de l’observation scientifique. L’« observateur » opère