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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/123

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

déesses et tout le merveilleux païen, ne sont que des symboles, où tout le monde aperçoit immédiatement les éternelles vérités de l’ordre moral. Par ce détour, Boileau maintient l’imitation de l’antiquité : mais c’est en la travestissant. Il ne s’avise pas que Virgile et Homère ont mis des dieux dans leurs poèmes parce que c’étaient leurs dieux, les dieux nationaux et populaires : un coup d’œil jeté à côté du livre, sur la réalité que l’histoire représente, l’eut averti de son erreur. Il n’y pense même pas ; et l’épopée qu’il définit, ce roman mythologique, allégorique et moral, n’a rien de commun avec l’Iliade ni l’Enéide. Mais on y retrouve le type décrit par le P. Le Bossu, chanoine de Sainte-Geneviève : et dans les grandes lignes, abstraction faite du choix des sujets, ce type est celui sur lequel ont été composés l’Alaric, le Saint Louis, la Pucelle, le Clovis, tous ces poèmes dont Boileau lui-même a immortalisé le ridicule. Il a voulu garder la mythologie, à laquelle une nation chrétienne ne pouvait pas croire, il a voulu garder l’épopée, qu’un siècle de civilisation raffinée et de raison mûrie ne pouvait pas refaire ; et pour assurer une existence artificielle à ces choses si particulièrement attachées aux mœurs et à l’esprit des temps antiques, il a dû les dénaturer et leur attribuer une valeur fictive et toute de convention, selon les préjugés les plus étroits du goût contemporain.

Il était fatal que Boileau, n’ayant point étudié, et ne pouvant avoir étudié en son temps la littérature dans son rapport avec le génie original et le déve-