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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/130

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BOILEAU.

n’ont jamais existé. Plus l’action sera extraordinaire, et plus il devra en réduire les causes et les ressorts au jeu régulier de passions universelles, selon le train ordinaire des choses, à la nature enfin que tout le monde porte en soi et dans son expérience. Ainsi nous fera-t-il convenir que l’incroyable est arrivé, devait arriver, et que notre conception de possibilités naturelles implique ce qu’en son nom nous voulions d’abord repousser. Il faut qu’il nous amène à juger que si Horace ne tuait pas sa sœur, ou Médée ses enfants, c’est alors que la nature ne suivrait pas son cours.

Les caractères doivent être vraisemblables. Or notre expérience nous dit que chaque caractère a son ineffaçable pli, chaque visage sa grimace familière. En conséquence, les personnages dramatiques se maintiendront « tels qu’on les aura vus d’abord » ; l’inconstance même de leurs actes se rattachera sensiblement à leur permanente identité morale. — Chaque homme a sa physionomie singulière, ses nuances propres et particulières de caractère ; nous ne croyons pas qu’il y ait deux esprits exactement semblables ; la nature ne fait de ménechmes qu’au physique. Donc l’auteur variera les caractères et leur expression. — Nous savons, et nous disons souvent que « l’homme n’est pas parfait ». Nous avons vu de très grands hommes être par certains cotés de très petits hommes. Cela ne nous déplaît pas : cela les rapproche de nous, et nous console de l’admiration que nous leur devons d’ailleurs.