Aller au contenu

Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
L’HOMME.

manqué alors à Boileau : Racine ne nous dit-il pas, en 1698, que la dévotion de son ami est de fraîche date ? Mais à coup sûr, il avait étudié la théologie avec fruit, et sa science lui demeura. Je ne sais point de connaissances spéciales dont ce pur littérateur ait fait montre plus tard, hormis celle-là.

Ce qui le rebuta absolument, ce fut le droit, vers lequel on le tourna ensuite. Mais ses biographes lui font trop d’honneur quand ils rapportent ce dégoût à la candeur, aux délicatesses de conscience de notre jeune étudiant. Tout honnête homme qu’il était, il eût fallu qu’il fût bien invraisemblablement scrupuleux pour ne pas estimer innocente la profession d’avocat, où MM. de Port-Royal voulaient pousser en ce temps-là Racine, leur disciple chéri. En réalité, le droit répugna à son esprit, non à sa conscience : il nous l’a dit lui-même. Il lui parut « que la raison qu’on y cultivait n’était point la raison humaine, et celle qu’on appelle le bon sens, mais une raison particulière, fondée sur une multitude de lois qui se contredisent les unes les autres, et où l’on se remplit la mémoire sans se perfectionner l’esprit ». En d’autres termes, on lui avait montré la pratique, et on lui avait enseigné le droit comme un métier : il eût fallu, pour l’y intéresser, le lui présenter comme une science, lui en expliquer la philosophie, seule capable de satisfaire cette intelligence, qui ne voulait concevoir que l’universel. Bien des années plus tard, le Traité des lois civiles le ravit, parce qu’il y trouva une théorie et