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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/21

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L’HOMME.

mélancolique était encore le comédien[1], assombri par une observation trop pénétrante du monde. La Fontaine jouissait de tout en enfant, et en poète : sa distraction égayait les réunions quand sommeillait sa fantaisie. Racine et Boileau étaient dans la première jeunesse, l’un brûlant de passion, l’autre content de vivre et d’être libre, ami du rire et des malins propos. On se réunissait chez l’un ou chez l’autre, chez Boileau, s’il est vrai qu’il ait demeuré rue du Vieux-Colombier, chez Furetière. On allait parfois, par un beau jour, à Meudon, à Versailles : et c’est là qu’après s’être bien promenés, ils s’asseyaient pour écouter la lecture de Psyché. Mais le plus souvent on s’attablait dans quelque cabaret fameux, au Mouton blanc, ou à la Croix de Lorraine, place du Cimetière-Saint-Jean, ou encore à la Pomme de pin, la taverne légendaire qu’avaient hantée Villon et Régnier, et que tenait alors Crenet, immortalisé par un vers de Boileau. Ces cabarets sont ce que furent plus tard les cafés : les beaux esprits, amateurs et gens de lettres, s’y réunissent. Mais il y a la différence des siècles et des mœurs : le xviie siècle est encore plus robuste qu’élégant ; il a plus de sève et de fougue que de raffinement et de mièvrerie. Sa force éclate sous la délicatesse un peu compassée dont il essaye de la revêtir. On buvait sec dans

  1. Mais est-ce bien Molière que La Fontaine nous présente sous le nom de Gélaste ? On est plutôt porté aujourd’hui à croire qu’il s’agit de Chapelle.