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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/55

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LA POÉSIE DE BOILEAU.

nous sommes aux tons intenses de nos coloristes modernes : la couleur de Boileau nous paraît bien terne. Quand nous lisons :

Tes bons mots, autrefois délices des ruelles,
Approuvés chez les grands, applaudis chez les belles,
Hors de mode aujourd’hui chez nos plus grands badins,
Sont des collets montés ou des vertugadins :


nous ne pouvons nous figurer que cela a la même valeur, relativement aux habitudes du langage et du goût de son siècle, qu’ont à notre égard les vers de V. Hugo :

Les mots bien ou mal nés vivaient parqués en castes :
Les uns nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes ; ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi…


Et il est vrai pourtant que les deux images s’équivalent, si l’on tient compte de la différence des temps.

Si nous voulons résister à notre mémoire qui nous présente machinalement la plupart de ces vers, trop familiers et tournés en dictons pour évoquer encore en nous des sensations, on s’apercevra que Boileau n’a guère usé du style abstrait. Tous ces vers que l’on sait par cœur, et qui ont immortalisé leurs victimes, d’où en est venue la force ? de ce qu’une image inoubliable, avec ou sans justice, s’est appliquée au nom du bonhomme.

… Colletet crotté jusqu’à l’échiné
S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine….
Cotin à ses sermons traînant toute la terre,
Fend les flots d’auditeurs pour aller à sa chaire….