avec une verve étourdissante, écrit une scène de comédie ; caractères, dialogue, action, tout est enlevé avec un éclat, une fantaisie incroyables. Pour Boileau, mettons à part la satire littéraire, si fine et si mordante à travers la langueur de la querelle : ce qu’il a fait, c’est un tableau réaliste. C’est le repas, et non les convives, qui nous intéresse et nous amuse. Et rappelez-vous avec quelle franchise hardie d’expressions Boileau nous présente tous ces plats qui défilent : le potage où paraît un coq, les deux assiettes,
… Dont l’une était ornée
D’une langue en ragoût de persil couronnée,
L’autre d’un godiveau tout brûlé par dehors
Dont un beurre gluant inondait tous les bords ;
le rôt où trois lapins de chou s’élevaient
Sur un lièvre flanqué de six poulets étiques ;
et le cordon d’alouettes, et les six pigeons étalés sur les bords du plat,
Présentant pour renfort leurs squelettes brûlés ;
et les salades :
L’une de pourpier jaune et l’autre d’herbes fades,
Dont l’huile de fort loin saisissait l’odorat,
Et nageait dans des flots de vinaigre rosat ;
et le jambon de Mayence, avec les deux assiettes qui l’accompagnent.
L’une de champignons avec des ris de veau,
Et l’autre de pois verts qui se noyaient dans l’eau.