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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/71

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LA POÉSIE DE BOILEAU.

rale raie se laisse oublier à force d’insignifiance et de banalité. Alors chaque morceau nous plaît en soi, détaché de l’ensemble où il n’est logé que par accident et par artifice, comme nous nous amusons des originaux que Lesage fait défiler devant nous dans son Diable boiteux, sans nous soucier de la fiction qui lui sert à les amener.

Sans doute il était difficile à Boileau de faire autrement en son temps : on n’eût pas accepté une poésie toute composée d’impressions, sans suite, sans lien, et surtout sans sujet. Boileau ne conçut pas un moment la possibilité de se passer d’idées et de sujets. Au lieu de faire de courtes pièces sans titre, au lieu de proposer chacun à part comme valant par soi ces petits cuadros (comme disait Chénier), où dans des proportions très réduites étaient ramassés des types et des aspects de la vie commune, il s’ingénie à en faire les pièces d’un tout, les épisodes d’un récit, les scènes d’une comédie, les arguments d’un discours : lui qui n’eut de sa vie ni le sens de l’action, ni le don du dialogue, ni le souffle oratoire. Surtout il se crut obligé de s’enfermer dans un genre défini : et n’ayant aucun sentiment naturel qui le tournât vers une partie plutôt qu’une autre de l’éloquence et de la poésie, il se fit satirique, sans indignation et sans malignité : de là la morosité des Satires, caractère littéraire qui ne représente pas du tout le naturel de l’homme. Pour rendre la physionomie de Paris, le mouvement de ses rues et de sa foule, ce Parisien, qui ne perdit