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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/96

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BOILEAU.

même les formes variées de l’imagination, qui correspondent à la diversité des genres : tel a l’invention dramatique qui n’a pas l’élan lyrique, ni le sens épique. Sans la nature, l’art ne peut rien : il donne la façon, mais elle fournit l’étoffe. Qui veut se passer d’elle, ou la dévier, quand il aurait toute la science et toute la patience du monde, ne fera rien qui vaille.

Mais alors, imagination, génie, don du ciel, de quelque nom qu’on veuille appeler cette source première de poésie, d’où vient que Boileau n’en parle jamais ? Tout simplement parce qu’une fois posée, il n’y a plus rien à en dire. On naît poète : il n’y a pas de procédé, d’hygiène ou de gymnastique par où l’on puisse se donner une nature de poète. Mais on peut faire un mauvais emploi de la nature qu’on a : de là tous ces préceptes, qui ont l’air de gêner et de resserrer l’inspiration, car ils sont forcément négatifs. D’autre part, si bien doué qu’on soit, on ne naît pas avec la science du métier : en poésie, comme dans tous les arts, il faut apprendre la technique par où la nature s’exprime et manifeste son originalité ; bien rares sont les génies faciles en qui l’inspiration est immédiatement infaillible, et pour qui l’enfantement des chefs-d’œuvre est l’affaire d’un jour et d’un accès de fièvre. Enfin tout le monde sait combien les vrais artistes sont sobres à l’ordinaire de considérations générales, et qu’ils ne se lancent pas à l’ordinaire dans les hauteurs nuageuses de l’esthétique : ils laissent le développement littéraire