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CORNEILLE.

moins large. À Rouen, Corneille habitait sa maison, et recevait des provisions de ses fermiers : à Paris, il fallut payer loyer et tout prendre aux marchands contre argent. Puis c’était le moment où il venait de donner une dot à sa fille Marie, qu’il avait établie l’année précédente ; et il avait dû se saigner un peu pour la bien établir. Les autres enfants grandissaient : en 1664, Pierre entre au service ; il faut l’y faire subsister décemment. Il faudra bientôt lui acheter une compagnie : c’est une grosse somme, pas moins de 9 à 10 000 livres. Il faut entretenir le second fils, page de la duchesse de Nemours ; il faut payer pension pour Thomas, qui est au couvent, attendant un bénéfice lent à venir. Il faut payer pension pour Charles, qui est au collège. Enfin il faut payer pour Marguerite, qui est déjà, en 1662, au couvent du faubourg Cauchoise ; il faudra la doter à sa profession ; et Corneille s’engagera, en 1668, envers les dominicaines pour une rente de 300 livres.

Ces charges s’allégèrent, tristement, par la mort de deux fils : plus heureusement pour Thomas, en 1680, par la collation du bénéfice d’Aiguesvives ; mais elles se firent sentir lourdement dans les premières années du séjour à Paris. Ont-elles accablé le poète ? Quelles ressources avait-il pour y faire face ? Fut-il réduit à la misère, comme on le dit souvent ?

En aucun temps Corneille ne fut misérable. Sa part d’héritage et celle de sa femme, maisons, terres, argent comptant, rentes, ses gages d’avocat du roi et les épices qui presque les triplaient, le produit de ses tragédies, jouées ou imprimées, des dédicaces productives comme celle de Cinna, les pensions de