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CORNEILLE.

plus tard par bravade) Clitandre : il ne réussit guère. Alors il revient à sa manière propre, et compose quatre comédies. La tragédie le tente, il s’y essaie par Médée. Mais c’est dans la tragi-comédie du Cid qu’il découvre la vraie tragédie : il s’y attache. Après cinq chefs-d’œuvre, il revient à la comédie, dont il marque plus nettement les effets et le style. Mais aussitôt il abandonne le genre comique, où désormais le rire est essentiel : il ne quittera plus la tragédie telle qu’il l’a organisée que pour tenter soit une combinaison de la tragédie, des décorations et de la musique qui deviendra l’opéra, soit un drame à dénouement heureux, d’un caractère simplement sérieux et grave, intermédiaire entre le comique et le tragique, qui semble bien être le terme légitime et naturel de son évolution.

Les premières comédies, éclipsées dans la gloire du Cid, sont loin d’être indifférentes ou médiocres. Dès son premier essai. Corneille trouve un genre neuf, « dont il n’y a point d’exemple en aucune langue ». Car, disait-il, « on n’avait jamais vu que la comédie fît rire sans personnages ridicules, tels que les valets bouffons, les parasites, les docteurs, etc.[1] ». Il avait exclu aussi les données rebattues de la comédie antique ou italienne, avarice ou tyrannie des pères, ruses et révoltes des fils, méconnaissances d’état, changements de nom, travestissements des sexes, méprises fondées sur ces artifices. Il avait du premier coup été droit au modèle éternel de l’art, la vie ; il avait du premier coup la suprême grâce de

  1. Examen de Mélite.