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CORNEILLE.

choisit son bonheur ou son malheur. En ces deux choses, intrigue et psychologie, consiste toute la tragédie classique, en tant que commune à Corneille et à Racine.

Mais, posant l’intérêt tragique dans l’étude des causes morales, Corneille a éclairé toutes ses peintures d’un même jour : il a adopté un parti pris, qui fait l’unité, et la plus sensible originalité de son œuvre. Il a « sa » psychologie, singulière et personnelle, un système à travers lequel il voit la vie, auquel il réduit toutes ses imitations de la vie. Dans tous les facteurs internes de nos actes, il isole un principe : la raison ; une force : la volonté ; il recherche comment la volonté fait triompher la raison. Dans l’infinité du réel et du possible, il choisit les cas merveilleux où s’exprime la grandeur de la volonté tendue contre les sollicitations du dedans et les pressions du dehors ; il déploie la beauté de l’âme libre prolongeant par un fier effort l’idée de sa raison dans son acte.

Cette conception éclate dans le Cid, mais elle n’y surgit pas brusquement, sans préparation. Elle s’annonçait dans certains traits de Médée, dans ce cri fameux : Moi, moi, dis-je, et c’est assez, dans cet aspect d’indomptable énergie où se transfigure la faible et violente héroïne d’Euripide. Dans la comédie de la Place Royale, Corneille présentait un cavalier qui se faisait haïr de gaieté de cœur de sa maîtresse, parce qu’il se sentait trop près d’en être dominé, et qui volontairement choisissait la souffrance de la rupture pour reconquérir à ce prix la disposition de sa volonté : si bien qu’Attila ne sera, trente ans plus