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l’époque romantique.

publié, sous le pseudonyme de Stendhal, des romans, des nouvelles, des récits de voyage, des impressions d’art : il passait pour un esprit paradoxal, ironique, froid, qui aimait à mystifier et scandaliser les gens. Il disait de lui-même : « Je serai compris vers 1880 ». Et grâce à Taine, malgré Sainte-Beuve, il l’a été. Il a même été surfait par des idolâtries peu convenables à son genre de talent.

L’homme est assez vulgaire, un peu déplaisant, tour à tour grossier ou prétentieux : on lui a fait tort en étalant indiscrètement ses paperasses, ses notes les plus plates ou les plus sottes. Il a dit ce qu’il avait à dire dans deux ou trois romans, et dans quelques nouvelles : comme nos classiques, il faut le chercher là, et non ailleurs. En dehors des grandes lignes de sa vie, ses aventures personnelles ne sont guère intéressantes.

Stendhal est un disciple du xviiie siècle, de Condillac, de Cabanis, des encyclopédistes et des idéologues. Il a pour principe que tous les hommes tendent au bonheur ; et la peinture de la vie, c’est pour lui la peinture des moyens qu’ils choisissent pour s’y diriger. La méthode qu’il emploie, est l’analyse : il décompose l’action de ses personnages en idées et en sentiments, et chaque état de conscience est résolu en ses éléments par une opération délicate et précise. Tout ce qui est peinture extérieure, description physique, paysage, ne tient guère de place dans les romans de Stendhal : sa profession, c’est d’être « observateur du cœur humain »; et il est en effet de première force dans l’observation, dans l’imagination psychologique. Il fouille les motifs d’un acte, détaille les nuances d’un sentiment avec une exactitude minutieuse.

Cependant cet analyste est un homme d’action : les plus rares jouissances de sa vie lui sont venues de l’action. Il s’est rappelé toujours avec délices le temps où il était dragon à l’armée d’Italie. Plus tard il fait la campagne de Russie dans l’intendance : il y donne la preuve d’une fermeté plus rare que le courage, lorsque,

    d’où il est expulsé par la police autrichienne. Il revient à Paris. En 1830, il est nommé consul à Trieste, puis à Civitavecchia. Il meurt en 1842. Il publie, en 1817, Rome, Naples et Florence, et une Histoire de la peinture en Italie ; en 1822, son Essai sur l’Amour, et sa brochure sur Racine et Shakespeare ; en 1827, Armance, son premier roman; en 1831, le Rouge et le Noir ; en 1838, les Mémoires d’un touriste ; en 1839, la Chartreuse de Parme.

    Éditions : Calmann Lévy, 22 vol. in-18 (Corresp. inédite, 2 vol.). Lettres intimes, Calmann Lévy, in-8, 1892. Journal, Charpentier, 1888, in-12. Vie de Henri Brûlard (autobiographie). Charpentier, 1890. Lamiel (roman inédit), Quentin, 1889. Souvenirs d’Egotisme et Lettres inédites, Charpentier, 1893, in-12. Lucien Leuwen, œuvre posthume reconstituée sur les manuscrits originaux, par J. de Mitty, Paris, in-18, 1895. Napoleon, etc. Inedits p. p. J. de Mitty, 1897, in-12. Correspondance, 1908. 3 vol, in-8. — À consulter : Comment a vécu Stendhal, in-12, 1900. Le Procès de Julien Sorel, Revue Blanche, mars 1894. P. Bourget, Essais de Psychologie contemporaine. E. Rod, Stendhal (Gr. Ecriv. fr.), 1892. H. Cordier, Stendhal raconté par ses amis et amies, 1893. E. Faguet, Stendhal, dans Politiques et Moralistes 3e série. Chuquet, Stendhal-Beyle, 1902.