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clément marot.

donc rebelle. De fait, les humanistes ne distinguaient pas entre l’antiquité sacrée et l’antiquité profane : ils expliquaient l’Écriture et les Pères avec la même simplicité hardie que Platon ou Justinien. Luther était en train de remuer l’Allemagne, de l’arracher à la domination du saint-siège ; ils n’étaient pas Luthériens, ils ne voulaient pas rompre l’unité chrétienne ; mais ils ne pensaient point avoir de raison d’exclure de leur étude les textes qui sont la base de la foi.

De là les colères des théologiens. La farce des Théologastres nous fait voir combien la lutte est violente entre 1523 et 1529 : et le nom encore fameux de Noël Béda résume les furieux efforts de la Sorbonne soutenue du Parlement pour supprimer la Réforme avec la Renaissance qui l’enveloppait. Ce Béda était un enragé Picard, que Bayle appelle « le plus grand clabaudeur » de son temps : préchant, écrivant, dénonçant, calomniant, injuriant, déchaîné aujourd’hui contre Érasme, demain contre Le Fèvre d’Étaples, un autre jour contre Louis de Berquin, qu’il fit enfin brûler, il ne laissa point de répit aux libres esprits, jusqu’à ce que ses fureurs, atteignant la propre sœur du roi, le firent enfermer au Mont-Saint-Michel, où il mourut.

Heureusement, la royauté n’avait pas hésité à se ranger du parti de la raison et de la civilisation. Charles VIII, Louis XII avaient donné quelques marques de bonne volonté aux promoteurs des études antiques ; Louis XII avait fait de Lascaris un ambassadeur ; ce fut sous son règne que l’hellénisme entra à la cour avec Budé, devenu secrétaire du roi. Autour de François Ier les érudits furent aussi nombreux que les poètes : outre Budé, qu’il fait directeur de sa bibliothèque et maître des requêtes, il essaie d’attirer Érasme ; il reçoit dans sa familiarité Guillaume Cop, traducteur d’Hippocrate et rénovateur de la médecine ; il a pour lecteur Jacques Colin, puis Duchâtel, deux savants hommes, le dernier surtout érudit universel et infatigable liseur, après avoir été un intrépide voyageur.

Même François Ier voulait témoigner par des effets plus solides l’intérêt que, selon son idée du prince accompli, il estimait devoir prendre aux études : il rêva des établissements fastueux, dont le malheur du temps priva la France. En 1529 Budé, dans une de ses Préfaces, rappelait au roi qu’il avait à doter une fille pauvre, la philologie : qu’il avait promis d’orner sa capitale d’une sorte de musée où les deux langues grecque et latine seraient enseignées, où des savants en nombre illimité trouveraient « un entretien convenable et les loisirs nécessaires ». L’année suivante, satisfaction fut donnée à la philologie par la nomination de quelques professeurs royaux : c’est de là qu’est sorti le collège de France.