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renaissance et réforme avant 1535.


3. CLÉMENT MAROT.



Marot [1], moins riche de son fonds, fut un écrivain supérieur. En lui comme en Marguerite, Renaissance et Réforme se confondent encore. Même Marot appartient plus que sa protectrice au protestantisme. On peut ne pas tenir compte de la rude guerre d’épigrammes qu’il fit aux « sorbonistes », aux moines, aux abus de l’Église : c’était la tradition du moyen âge, et ce pourrait être aussi liberté philosophique. Il ne faut pas s’arrêter non plus à ce qu’il fut arrêté en 1526, poursuivi en 1532, décrété et obligé de fuir à la fin de 1534 : il y a des exemples de gens persécutés pour des opinions qu’ils n’ont pas ; et c’était peut-être la riposte des théologiens aux épigrammes, des gens de justice à l’Enfer. Mais, à la fin du Miroir de l’âme pécheresse dans l’édition de Paris de 1533, sous les auspices donc de la reine de Navarre, Marot fit imprimer un psaume, le Pater, le Credo, d’autres prières essentielles, traduits en français : surtout il avait, avant 1534, dédié à François Ier un Sermon du bon pasteur où l’on croirait entendre Calvin. Tandis que Marguerite, toute mystique, indifférente aux dogmes et aux cérémonies, revenait pour sa sûreté aux pratiques et professions du catholicisme, Marot, un intellectuel à qui il fallait des idées claires, s’engagea à fond dans la Réforme. Il continua sa traduction des Psaumes, même après qu’il fut entendu que ce travail était incompatible avec la fidélité d’un bon catholique. L’abjuration solennelle par laquelle il acheta son retour en France, sa punition

  1. Biographie : Né en 1496 ou 1497 à Cahors, il est page de Villeroy, puis pensionnaire de la duchesse d’Alençon, ensuite, en 1527, valet de chambre du roi. Il assiste à la bataille de Pavie. En 1526, il est mis an Châtelet, puis transféré à Chartres (Épitre à Lyon Jamet) ; en 1527, octobre, on l’arrête de nouveau : Épitre au Roy, qui le fait, relâcher. En 1532, il est poursuivi en Parlement pour avoir mangé du lard en carême : la reine de Navarre arrête la procédure. En 1534 commence la querelle de Marot contre Sagon, La Huéterie et leurs adhérents : Fontaine, Despériers et autres défendent Marot. Au début de 1535, après l’affaire des placards, Marot est mis sur la liste des 73 suspects ajournés à comparaître ; de la Touraine où il est, il fuit en Navarre, de là à Ferrare, près de la duchesse Renée de France, enfin à Venise. Il fait amende honorable à Lyon par-devant le cardinal de Tournon (1536), et rentre à la cour ; en 1542, ses Psaumes l’obligent de fuir à Genève. Il attire sur lui la rigueur du consistoire ; il se retire en Savoie et en Piémont (fin 1543). Il meurt à Turin (1544).

    Éditions : l’Adolescence Clémentine. Paris, 1532 ; les Œuvres de Clément Marot. Lyon, Gryphius, 1539 ; Trente Psaumes de David, Paris, 1541 ; Cinquante Psaumes 1543 ; les Œuvres de Clément Marot. Lyon, 1544 ; id., Niort, 1596 ; Œuvres complètes Jannet, 1868-72, 4 vol. in-18 ; Guiffrey, t. 1, II, III. in-4o, 1876-1881. Poésies inédites, p. par G. Maçon, Bulletin du Bibliophile, 1898. — À consulter : L. Thureau, Vie et œuvres de Jean Marot. 1873 ; O. Douen. Cl. Marot et le psautier huguenot, 1878-79 ; Collelet, Notices biographiques sur les trois Marot, Paris, 1871, in-8 ; G. Lanson, Clément Marot, Revue suisse, déc. 1882 (sur la religion de C. Marot) ; Sainte-Beuve, Tableau de la poésie française au xvie siècle ; Faguet, xvie siècle. Pour tout le xvie siècle : Crepet, les Poètes français, t. I et II ; Hatzfeld et Darmesteter, le xvie siècle en France, Delagrave, in-12.