Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
pascal.

La famille Pascal était pieuse : un accident la donna au jansénisme. Étienne Pascal, devenu intendant à Rouen, s’étant cassé la jambe sur la glace, fut visité par deux gentilshommes normands qui firent lire au jeune Blaise Jansénius, Saint-Cyran, Arnauld. La logique de la doctrine séduisit l’esprit du savant : il se jeta dans le jansénisme avec tout l’emportement de sa fougueuse nature ; et pour première marque de son application à la théologie, il dénonça à l’archevêque de Rouen un certain frère Saint-Ange, dont la philosophie ne lui semblait pas orthodoxe. Il se fit aussi apôtre dans sa famille : il convertit son père et sa sœur Gilberte (Mme  Périer) [1], natures pondérées, et sérieuses sans violence, qui furent jansénistes avec une fermeté paisible ; mais son autre sœur Jacqueline, une âme de même étoffe que la sienne, fière et ardente, médita dès lors de quitter le monde.

À partir de ce moment, Pascal est acquis au jansénisme. Mais il reste dans le monde, et continue ses travaux. En 1648, il fait et fait faire à Paris, à Rouen et à Clermont les fameuses expériences qui mettent en évidence la pesanteur de l’air. Il écrit sa Préface d’un traité du Vide, le morceau fameux où, rejetant le culte de l’antiquité dans les sciences, il expose la théorie scientifique du progrès. Au milieu de ces travaux, chaque crise qui froissait son âme maladive met à nu la profondeur de sa foi janséniste : de là la Prière pour le bon usage des maladies (1648), et de là la Lettre sur la mort de M. Pascal le pére (1651). Même le germe de la conception qui inspirera les Pensées, de ce qu’on appellera inexactement le scepticisme de Pascal, existe déjà dans son esprit : la Préface du traité du Vide admet l’impossibilité d’atteindre à la certitude autrement que par

    24 mars 1657 ; recueils, Cologne, P. de la Vallée [Amsterdam, Elzévier], 1657 ; Cologne, N. Schoute, 1659. Trad. latine de Wendrocke (Nicole), Cologne, N. Sehoute [Amsterdam, Elzévier], 1658. Pensées : éd. de Port-Royal, 1670 ; éd. de Condorcet. 1776 ; éd. de Bossut. 1779 ; éd. Framtin, 1835 (revue en 1853) ; éd. Faugère (1re édit, conforme au manuscrit, signalé par le rapport de V. Cousin), 1844 ; éd. Havel, 1851 ; 2e édit., 1866, Paris, Delagrave, 2 vol. in-8 ; éd. Astié, Paris et Lausanne, 1857 ; éd. V. Rocher, Mame, 1873 ; éd. Molinier, Lemerre, 1877 ; éd. Michaud (dans l’ordre du manuscrit), Fribourg, in-4. 1896. Les Provinciales, éd. Faugère, Coll. des Grands Écriv., 2 vol. in-8, 1887-95 Œuvres completes, 1re série (jusqu’au Mémorial de 1654), p. p. L. Brunschvieg et P. Boutroux, 3 vol. in-8, 1908, 3e} série (Pensées) 3 vol. in-8, 1904 (Coll. des Gr. Écriv.), E. Jovy, Pascal inédit, 1908. — À consulter : Voltaire, Remarques sur les Pensées de Pascal ; A. Vinet, Études sur Pascal, in-8, 1846 ; Bertrand, Pascal in-8, 1890 ; Droz, le Scepticisme de Pascal, 1886 ; Brunetière, Études critiques, t. I et III ; V. Giraud, Pascal, l’homme et l’aœvre, 1899, E. Boutroux, Pascal, 1900 ; F. Mathieu, Pascal et l’expérience du Puy-de Dôme, Rev. de Paris, 1906-1907 ; F. Strowski, Pascal et son temps, 1907-1908, 3 vol.

  1. Gilberte Pascal (1620-1687) épousa en 1641 Florin Périer, conseiller à la cour des Aides de Clermont ; Marguerite Périer, la miraculée, et Étienne Périer, l’auteur de la Préface de 1670, sont ses enfants. — Jacqueline Pascal (1625-1661), esprit vif, imagination de feu, fut comme une enfant prodige, obtint à treize ans un prix de