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boileau despréaux.

1687 à 1698, des épigrammes contre Perrault, neuf Réflexions sur Longin (1692-1694), trois Épitres, deux Satires ; de 1703 à 1710, des épigrammes contre les Jésuites et la Satire XII (1705). Voilà les principaux points de repère dans l’œuvre de Boileau. Elle peut se considérer de deux points de vue, selon qu’on y cherche un poète ou un critique.


1. LA POÉSIE DE BOILEAU.


Boileau est un petit poète doublé d’un grand artiste. Si nous cherchons la poésie dans son œuvre, nous ne la trouverons ni dans les pièces purement morales, qui sont banales dans le lieu commun et lourdes dans le paradoxe, sans intérêt et sans vie, ni dans les satires littéraires, où il y a de la couleur, de l’éloquence même, une éloquence un peu courte et essoufflée, mais décidément rien de plus : des morceaux épiques ou lyriques, nous tirerons la conclusion que Boileau est à peu près aussi épique que Chapelain, et aussi lyrique que La Motte.

Au reste, ses origines, sa vie, son tempérament, sa conversation, tout en lui exclut l’idée d’une forte nature poétique. C’est un bourgeois de Paris, de vieille bourgeoisie parisienne, né et élevé entre la Sainte-Chapelle et le Palais, mort au Cloitre-Notre-Dame, et qui dans ses soixante-dix ans de vie n’a guère quitté Paris que pour Auteuil ; quelques séjours à Bâville, chez Lamoignon, ou à Hautisle, chez Dongois, deux voyages à la suite du roi, une saison à Bourbon, épuisent la liste des déplacements de ce Parisien renforcé. Dans son ascendance, dans son alliance, des magistrats, des procureurs, des marchands : rien que de franchement bourgeois. Il l’est lui-même au plus haut point.

C’est un bon homme, dont la réelle élévation d’âme, le désintéressement, la bonté, la loyauté s’enveloppent de formes un peu âpres et brusques : économe, soigneux de son bien, un peu sensuel du côté de la table, aimant les bons dîners, les bons vins, les bons compagnons, rieur et railleur, éclatant en originales et plaisantes saillies, peu dévot et toujours prêt à se gausser des gens d’Église, très indépendant d’esprit et très soumis à l’autorité : le plus doux des hommes avec sa mine de satirique. Les problèmes métaphysiques et les ardeurs mystiques ne le tourmentent point : il est toute raison, il a le bon sens le plus positif et le plus pratique. Il ne vit jamais que des disputes de mots dans les querelles théologiques, même dans celle du jansénisme, auquel il ne tint que par une sympathie d’honnête homme et par certaines amitiés personnelles.